Notice
Effet des conditions de chauffage sur la polyphénoloxydase, les protéases et la mélanose au cours du stockage réfrigéré de crevettes blanches du Pacifique pré-cuites
The effect of heating conditions on polyphenol oxidase, proteases and melanosis in pre-cooked Pacific white shrimp during refrigerated storage
Manheem K., Benjakul* S., Kijroongrojana K., Visessanguan W.
*Department of Food Technology, Faculty of Agro-Industry, Prince of Songkla University, Hat Yai, Songkhla 90112, Thailand ; E-mail : soottawat.b@psu.ac.th
Food Chemistry, 2012, Vol. 131 (4), p. 1370-1375 - Doi : 10.1016/j.foodchem.2011.10.001 - Texte en Anglais
à commander à : l'auteur, l'éditeur ou à l'INIST
Analyse
Cette publication intéressante explore un volet peu étudié de la prévention de la mélanose des crevettes cuites conservées en réfrigération : l'inactivation par la chaleur de la polyphenol oxydase (PPO, responsable de la mélanose). En effet, il est surprenant de constater que le brunissement enzymatique des fruits et légumes (également provoqué par la PPO) est très souvent traité par blanchiment, alors que seul le traitement chimique, essentiellement par les sulfites, est utilisé pour prévenir la mélanose des crevettes.
La cuisson des crevettes, utilisée à la fois pour proposer un produit prêt à consommer, mais aussi pour allonger leur durée de conservation en réfrigération, peut en effet, dans certaines conditions de température et de durée, permettre d'inactiver la PPO. Quelques auteurs ont déjà travaillé sur cette thématique et notamment le CEVPM en 2007 ainsi que Martinez-Alvarez et al en 2009.
A une époque où le recours aux additifs chimiques (notamment les sulfites) est de plus en plus sévèrement remis en cause par les consommateurs et par le législateur, cette publication, qui étudie la prévention de la mélanose par traitement thermique, vient donc abonder une thématique de recherche particulièrement porteuse.
Les essais ont porté sur des Litopenaeus vannamei fraîches d'un calibre de 55 à 60 par kg. L'utilisation d'une matière première réfrigérée, et non pas congelée, est un point important. La PPO de la carapace et les protéases de l'hépatopancréas ont été caractérisées et l'activité enzymatique résiduelle après cuisson a été suivie au cours de l'entreposage réfrigéré à + 4 °C.
Les essais ont montré que la cuisson des crevettes entières permet de réduire l'activité de la PPO et des protéases. Sans surprise, l'élévation des températures de cuisson permet de réduire les activités enzymatiques mais entraîne une augmentation des pertes de poids à la cuisson. Un compromis intéressant a été trouvé avec une cuisson à 80 °C à cœur, qui permet de réduire l'activité de la PPO à 4 ou 5 %, tout en maintenant un rendement à la cuisson à plus de 95 %. Les essais ont montré que la mélanose des crevettes entières cuites réfrigérées à + 4 °C était ainsi à peu près correctement contenue pendant 7 jours, sans toutefois atteindre tout à fait les standards commerciaux requis en France.
Il n'en reste pas moins, et ce résultat corrobore ceux des essais précités, que la cuisson bien conduite des crevettes permet de réduire considérablement l'activité de la PPO et qu'elle permettrait certainement, en association avec des traitements chimiques, d'en réduire fortement les doses.
Parmi les raisons qui expliquent la non utilisation des traitements thermiques pour prévenir la mélanose des crevettes, l'une des plus importantes est l'utilisation d'une matière première congelée. Le process habituel est le suivant : après récolte dans les bassins d'élevage, les crevettes sont le plus souvent tuées sur place dans un bain de sulfites puis ramenées sous glace à l'usine de congélation.
Des variantes de ce traitement existent qui permettent de réduire les taux de sulfites résiduels dans les crevettes. Mais en raison des conditions de récolte dans les pays chauds et de l'éloignement fréquent des usines de congélation, c'est souvent ce traitement basique qui est mis en œuvre pour garantir l'absence de mélanose. La mélanose peut également se développer chez le cuiseur, pendant la décongélation des blocs de crevettes. Là aussi, par précaution, un retraitement est parfois appliqué.
La prévention de la mélanose des crevettes par traitement thermique supposerait donc au moins deux conditions :
- une congélation précoce des crevettes après récolte,
- et une technique de congélation individuelle de ces crevettes.
Cette dernière condition, c.a.d. la congélation individuelle des crevettes, permet en effet une cuisson directe des crevettes à l'état congelé, ce qui dispense de la phase de décongélation, toujours risquée sur le plan de la mélanose. Elle permet aussi, par rapport à la congélation en blocs, d'assurer une cuisson uniforme des crevettes dans le bain de cuisson, et donc une maîtrise de la réduction d'activité de la PPO et du rendement poids à la cuisson.
D'autres agents chimiques que les sulfites sont réputés capables de prévenir la mélanose des crevettes, néanmoins, dans la pratique industrielle actuelle, ils ne sont réellement efficaces que sur des crevettes étêtées (marché américain), alors que c'est surtout au niveau de la tête que se manifeste la mélanose (marché français : crevette entière). Compte tenu de la réduction d'activité de la PPO apportée par une cuisson suffisante des crevettes, il serait possible que ces agents chimiques " légers " soient suffisamment efficaces en remplacement des sulfites.
Enfin, parmi les pistes de recherche à explorer, il faut mentionner l'essai de couples temps/température de type HTST (high temperature/short time). En effet, les essais préliminaires menés dans cette voie par le CEVPM semblaient prometteurs.