Notice
La cristallisation de l'eau et son importance dans la congélation des aliments : une synthèse
Water crystallization and its importance to freezing of foods : a review
Kiani H., Sun* D.W.
* FRCFT, University College Dublin, National University of Ireland, Agriculture and Food Science Centre, Earlsfort Terrace, Belfield, Dublin 4, Ireland ; E-mail : dawen.sun@ucd.ie
Trends in Food Science and Technology, 2011, Vol. 22, p. 407-426 - Doi : 10.1016/j.tifs.2011.04.011. - Texte en Anglais
à commander à : l'auteur, l'éditeur ou à l'INIST
Analyse
Cette synthèse bibliographique débute par une introduction sur l'importance de la cristallisation de l'eau dans les aliments congelés. Elle présente ensuite un court développement sur les deux phases de la cristallisation : la nucléation et la croissance des cristaux. La nucléation correspond à l'apparition des premiers germes cristallins. Elle est dite primaire, en l'absence de particules étrangères permettant l'initiation des cristaux, et secondaire, dans le cas contraire.
L'article comporte ensuite trois parties. Les auteurs présentent tout d'abord un ensemble de travaux théoriques sur la modélisation mathématique de la cristallisation de l'eau : modélisation de la nucléation primaire et secondaire puis modélisation de la croissance cristalline.
La seconde partie est consacrée à la présentation de travaux sur les techniques de laboratoire permettant d'observer la cristallisation de l'eau dans les aliments : cryo-microscopie, microscopie électronique, imagerie par résonance magnétique (IRM), analyse aux rayons X et spectroscopie infra-rouge.
Ces deux premières parties intéresseront les chercheurs spécialisés, mais présentent un intérêt plus réduit pour des spécialistes en Recherche et Développement agroalimentaire. Au contraire, la troisième partie porte sur de nouvelles méthodes de congélation susceptibles de trouver, à terme, des applications dans l'industrie agroalimentaire.
L'emploi des ultrasons peut permettre d'améliorer la cristallisation de l'eau dans les aliments : il favorise la nucléation et en assure le contrôle. Les ultrasons peuvent aussi fracturer des cristaux de glace.
L'application de très hautes pressions permet de maintenir l'eau à l'état liquide à des températures négatives. Quand la pression est relâchée, l'eau se retrouve en surfusion et il se produit une cristallisation quasi instantanée d'une partie de l'eau. Ainsi, de l'eau maintenue liquide à -22°C par une pression de 210 MPa peut cristalliser à 30 % de sa masse, au moment du relâchement de la pression. Les cristaux de glace ainsi formés sont très fins. Cette technique, bien étudiée au cours des deux dernières décennies, notamment sur les aliments, est susceptible de leur être appliquée industriellement. La rapidité de la cristallisation de l'eau qu'elle entraîne, assure une distribution homogène de petits cristaux de glace dans les tissus, aussi bien à l'intérieur des cellules qu'à l'extérieur. Les phénomènes osmotiques se développant au cours de la congélation lente des aliments, responsables de la déshydratation cellulaire, sont ainsi pratiquement supprimés et la qualité des aliments congelés s'en trouve nettement améliorée.
À l'opposé de la surfusion, il existe dans la nature des protéines susceptibles d'induire la nucléation à des températures significativement supérieures à 0°C (point de congélation de l'eau). Certaines bactéries, des insectes, des plantes, des lichens, sont ainsi connus pour former des activateurs de nucléation de la glace (ANG). La chaleur, libérée en leur sein par la cristallisation d'une partie de leur eau de constitution, protège ces organismes vivants du froid. Les ANG possèdent également la propriété de modifier l'arrangement des cristaux de glace en formation, en créant de grands et longs cristaux de glace dans des directions ordonnées.
L'addition d'ANG dans des produits alimentaires peut donc offrir des avantages : en élevant la température de nucléation, la durée de la congélation se réduit, la vitesse de congélation s'accroît et les coûts de congélation diminuent. De même, il est possible de travailler sur la texturation des produits : des textures fibreuses ont ainsi été reproduites en profitant de l'aptitude de certains ANG bactériens à créer de longs cristaux de glace.
Cette synthèse bibliographique présente également une série des travaux consacrés à la suppression de la formation de la glace. Là aussi, il s'agit d'un dispositif naturel de protection de certains organismes vivants contre le froid : des bactéries, des plantes, des insectes, des poissons... produisent des protéines antigel qui les protègent du risque de congélation en cas de froid intense. Le mécanisme d'action de ces protéines antigel ne suit pas la loi de Raoult, dans laquelle l'abaissement du point de congélation est une fonction de la concentration ionique de la solution. Au contraire, l'action de ces protéines antigel est expliquée par leur nature bipolaire : elles comportent un pôle hydrophile et un pôle hydrophobe. Cette disposition particulière perturbe l'avancement du front de glace et peut, dans certains cas, l'arrêter.
L'article présente d'autres essais sur la suppression de la cristallisation qui portent sur l'application d'un champ micro-ondes pendant la congélation, lequel permet de supprimer la nucléation et d'aboutir à une vitrification de l'eau, c'est-à-dire une solidification sans cristallisation.
Enfin, il est fait état d'essais de congélation avec résonance magnétique (MRF : magnetic resonance freezing). Les températures de congélation sont appliquées en présence d'un champ magnétique vibratoire continu qui permet (comme les hautes pressions) d'abaisser la température du produit sans cristalliser l'eau. L'arrêt du champ magnétique entraîne la congélation instantanée du produit alimentaire, avec les mêmes effets bénéfiques que ceux qui ont été décrits sur les hautes pressions. Il semblerait d'ailleurs que des résultats comparables à ceux de la MRF puissent être obtenus par congélation sous champ micro-ondes à 10 Ghz.
Pour conclure,il peut être rappelé, indépendamment de l'article analysé mais dans une thématique très proche, les essais menés en 2007 par le CEVPM (actuellement plateforme d'innovation Nouvelles Vagues) sur la conservation des produits de la pêche en réfrigération (donc sans cristallisation de l'eau) à température inférieure à leur point de congélation. Cette nouvelle technique de réfrigération à température légèrement négative, mais sans formation de glace, présente de nombreux avantages.
Analyse réalisée par : Bécel P. / Ifremer