Notice
Réponses socio-écologiques marines aux modifications environnementales et impacts de la mondialisation
Marine social-ecological responses to environmental change and the impacts of globalization
Perry* R.I., Ommer R.E., Barange M., Jentoft S., Neis B., Sumaila U.R.
* Fisheries & Oceans Canada, Pacific Biol Stn, Nanaimo, BC V9T 6N7, Canada ; E-mail : ian.perry@dfo-mpo.gc.ca
Fish and Fisheries, 2011, Vol. 12 (4), p. 427-450 - Doi : 10.1111/j.1467-2979.2010.00402.x - Texte en Anglais
à commander à : l'auteur, l'éditeur ou à l'INIST
Analyse
Le système socio-écologique défini ici est constitué d'éléments humains et écologiques en interaction, de telle sorte que tout changement dans le système écologique affecte les sociétés dépendantes de la pêche et réciproquement. L'étude compare les réponses de différents écosystèmes marins et systèmes dépendants de la pêche aux changements environnementaux et les impacts de la mondialisation dans quatre cas : l'Atlantique Nord-Est (mer de Barents), l'Atlantique Nord-Ouest (Terre-Neuve), l'Atlantique Sud-Est (Namibie) et l'Atlantique équatorial (Ghana).
Les écosystèmes font face aux changements de court terme par la modification des trajectoires de migration, la distribution, la composition spécifique et les régimes alimentaires, la vitesse de croissance individuelle des espèces qui les composent. Ils font face aux changements à long terme par des capacités d'adaptation qui accélèrent le renouvellement et modifient la structure et le fonctionnement du système. Les communautés vivant de la pêche font le gros dos face aux changements de court terme en accroissant et diversifiant les prises, voire en se déplaçant elles-mêmes. Les changements à long terme amènent des changements adaptatifs de gouvernance et de politique des pêches, interagissant avec des modifications socio-écologiques telles que l'orientation vers de nouvelles pêcheries, les diversifications économiques, la reconversion, l'émigration voire la disparition de communautés.
Les auteurs en concluent que les systèmes socio-écologiques marins ont des capacités adaptatives rapides dans leurs composantes écologiques, mais des capacités adaptatives sociétales réduites. Les politiques des pêches devraient se concentrer sur les moyens de maintenir la diversité des réponses à court et à long terme par la voie de la gouvernance et sur une approche couplée socio-écosystème.
Cette étude se saisit d'un sujet d'actualité que nous appelons l'approche écosystémique des pêches. Pour ce faire, elle analyse simultanément les ressources d'écosytèmes marins (stocks de poissons, de crustacés) et ceux qui les exploitent (communautés de pêcheurs, transformateurs, armateurs et politiques) sur la base de quatre systèmes a priori radicalement différents sur les plans physique, biologique et humain : Europe et Amérique du Nord et des pêcheries bentho-démersales ; Afrique et des systèmes inféodés aux up-wellings du Benguela et du Ghana.
Pour chacun des cas étudiés, les auteurs narrent en parallèle l'évolution d'indicateurs physiques de variation (NAO et température pour l'hémisphère nord ; El Niño-MEI, température de surface et anomalies de température pour les up-wellings), de la production (en quantités débarquées) et de facteurs humains , ces derniers étant les plus différemment documentés, selon le développement des pays concernés. Cette phase descriptive est originale car rarement faite sur une telle durée (40 ans) associant des séries de données physiques, données de production et données à caractère socio-économique. Ainsi des concordances de phases marquantes sont détectées et les conséquences interprétées (effondrements de stocks, transferts sur d'autres ressources, chute ou restructuration des exploitants,...).
L'analyse est moins convaincante s'agissant de comparer entre eux les systèmes bio-physiques, du fait du caractère trop intégré des indicateurs choisis et des différences radicales entre les systèmes choisis. De même, la comparaison des systèmes sociaux, pour intéressante qu'elle soit, est plus une juxtaposition de cas très contrastés, montrant un caractère commun de comportement de gros dos face aux changements à court terme, et des adaptations sociales liées au statut social et à la politique des pays concernés.
La discussion laisse également le lecteur sur sa faim : elle commence par la conclusion les systèmes bio-physiques et les systèmes humains ont des réponses globalement similaires face aux impacts combinés des changements environnementaux et socio-économiques sur les socio-écosystèmes . La discussion procède ensuite plus par analogie, rapprochant par exemple la diminution de la taille moyenne de la morue de 4 ans et le passage des pêcheurs aux activités pétrolières ou forestières comme manifestation des changements peu réversibles, ou encore constate quelques évidences telles que la capacité adaptative socio-politique des pays concernés varie avec leur statut de développement.
En fin de compte, le lecteur tire une conclusion, robuste mais pas nouvelle : les socio-systèmes peuvent s'en sortir grâce à la capacité développée par l'espèce humaine de se projeter dans l'avenir en anticipant grâce aux acquis ; les poissons n'ont pour eux que l'adaptation via l'évolution.
N.B. Cette publication peut intéresser un public de parties-prenantes ou de décideurs peu au fait de l'activité de pêche et de sa particularité d'exploiter des ressources non domestiquées, renouvelables mais limitées, dans des conditions menant souvent à la surexploitation, conditions parfois exacerbées par les changements environnementaux.
Analyse réalisée par : Antoine L. / Ifremer