Notice
Introduction du focus sur les hautes pressions
Chéret Romuald
CTCPA (Centre Technique de la Conservation des Produits Agricoles), Rue de la Géraudière, BP 62241 44322 Nantes cedex ; Tél : +33 (0)2.40.40.47.41 ; Fax : +33 (0)2.40.40.67.97 ; E-mail : rcheret@ctcpa.org
Bibliomer, 2011, n° 57 - Mai, p. 1
IFREMER
Analyse
La technologie de pressurisation par hautes pressions (HP) consiste à appliquer une pression sur un liquide (eau) qui contient les produits devant subir le traitement.
Depuis quelques années, la technologie des HP connaît un essor industriel important dans le monde, en particulier aux États-Unis, en Asie et dans le sud de l'Europe, sur une large gamme de produits : produits à base de fruits et de légumes, boissons et jus, produits carnés et produits à base de poisson et de fruits de mer... Ce procédé fait figure de procédé innovant en industrie agroalimentaire. Il s'inscrit dans la droite lignée de la pasteurisation, et a été surnommé " pasteurisation à froid ".
Les atouts de ce procédé permettent d'améliorer la conservation et la sécurité microbienne des produits par une dégradation de la flore d'altération et des flores pathogènes comme Listeria monocytogenes, Salmonella, Escherichia coli, Campylobacter.... Ceci est d'actualité dans une démarche de qualité de plus en plus poussée, avec recrudescence de ces contaminations bactériennes. Ce procédé a l'avantage de s'appliquer sur des produits déjà emballés, évitant les risques éventuels de recontamination. Aujourd'hui, les produits commercialisés ont soit une date limite de conservation limitée si les produits sont commercialisés frais-emballés, soit une qualité moindre " trop cuit ", due à un traitement de pasteurisation avec une date limite de conservation plus étendue. Cette technologie peut être un levier pour faire évoluer cette situation.
L'utilisation des HP s'inscrit également dans une demande de plus en plus forte des consommateurs pour des produits plus sains et naturels, sous-entendant l'absence d'additifs et de conservateurs (" démarche Clean Label " lancée par les industriels de l'agroalimentaire).
Sur le plan des qualités sensorielles et organoleptiques, ce procédé de traitement athermique permet de conserver les saveurs, les teneurs en vitamines et autres propriétés fonctionnelles des aliments.
De plus, cette technologie permet d'innover et de concevoir de nouveaux produits, de part son principe athermique.
Si l'on s'intéresse aux produits de la mer, la technologie offre de nombreuses applications :
- elle sécurise, voire étend les durées de conservation des produits et préserve les qualités de fraîcheur, comme pour la plupart des produits commercialisés ;
- elle facilite l'extraction de la chair des crustacés, et augmente les rendements de production, pour le homard, le crabe, par comparaison à une extraction thermique classique ;
- enfin, elle rend possible l'ouverture des coquillages bivalves (moules, huîtres...) sans intervention manuelle.
Les produits traités par HP sont concernés par l'application du règlement (CE) n°258/97 du Parlement européen et du Conseil, du 27 janvier 1997, relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires " Novel food ". Ils appartiennent à la classe des " aliments et ingrédients alimentaires auxquels a été appliqué un procédé de production qui n'est pas couramment utilisé ". Aujourd'hui, il est recommandé d'apporter aux autorités compétentes de la France une évaluation de l'impact du procédé sur le produit (aspects microbiologiques, aspects biochimiques et alimentarité des emballages). Les experts de l'ANSES et la DGCCRF examinent les éléments apportés et donnent leurs avis quant à la suite à données à une possible industrialisation.
En août 2010, la réglementation française a avancé suite à l'avis de l'ANSES (ex-Afssa) ; Saisine n° 2010-SA-0193 (voir notice n°2011-5581, p. 4). Sur la base des dossiers examinés par l'Agence, et après consultation des Comités d'experts spécialisés, l'ANSES a demandé aux industriels de se focaliser sur la vérification de l'efficacité antimicrobienne et de l'innocuité pour les consommateurs. Ainsi il est maintenant acquis que, sur le plan biochimique, les traitements par HP n'affectent pas significativement la composition biochimique des produits traités pour des barèmes de 500-600 MPa, pendant 3-5 minutes, à une température réfrigérée ou ambiante.
Sur le plan microbiologique, le traitement par HP inactive la plupart des microorganismes sous forme végétative, même s'il existe une grande variabilité de sensibilité des microorganismes face aux traitements par HP, en particulier pour les spores bactériennes très résistantes à la pression. Pour les emballages, l'ANSES recommande de réaliser des essais de migration globale, et attire l'attention sur la formation potentielle de composés néoformés au cours des traitements par HP.
Sur le plan scientifique, la littérature concernant les HP est très abondante, néanmoins la compréhension de certains phénomènes et mécanismes de l'effet de la pression sur les produits alimentaires et leurs composés reste d'actualité. La saisine de l'ANSES devrait rendre plus aisée l'acceptation de prochains dossiers.
Analyse réalisée par : Chéret R. / CTCPA