Notice

  • Bibliomer n° : 47 - Septembre 2009
  • Thème : 1 - Production
  • Sous-thème : 1 - 3 Aquaculture
  • Notice n° : 2009-4846

Poissons, mollusques et crustacés polyploïdes : production, biologie et applications à l'aquaculture pour l'amélioration des performances et le confinement génétique

Polyploid fish and shellfish: Production, biology and applications to aquaculture for performance improvement and genetic containment

Piferrer * F., Beaumont A., Falguiere J.C., Flajshans M., Haffray P., Colombo L.

* CSIC, Institut de Ciències del Mar, Passeig Maritim, 37-49, 08003 Barcelona, Spain ; E-mail : piferrer@icm.csic.es

Aquaculture, 2009, Vol. 293 (3-4), p. 125-156 - Doi :10.1016/j.aquaculture.2009.04.036 - Texte en Anglais

Adresse internet : http://archimer.ifremer.fr/doc/2009/publication-6648.pdf


Analyse

Chez les espèces animales d'intérêt aquacole (poissons, mollusques et crustacés), l'investissement dans la gamétogenèse est très souvent important et implique que la maturation sexuelle impacte négativement les performances biologiques de ces espèces, notamment la croissance, la survie, et les qualités organoleptiques. Une façon efficiente de surmonter ce problème consiste à produire des animaux stériles ou qui investissent le moins possible dans la gamétogenèse. Actuellement, la voie privilégiée pour inhiber totalement ou partiellement l'activité gamétogénique passe par l'induction de la polyploïdie et plus particulièrement de la triploïdie.
Les polyploïdes sont des organismes ayant un ou plusieurs compléments chromosomiques additionnels. L'état polyploïde peut être le résultat de la multiplication, naturelle ou induite, du même set chromosomique de base (autopolyploïdie) ou résulter d'une multiplication de deux ou plusieurs sets chromosomiques différents, suite à un croisement interspécifique ou intergénérique (allopolyploïdie). L'état triploïde, avec trois sets chromosomiques de même origine (autotriploïdes) ou d'origines différentes (allotriploïdes), peut se rencontrer chez beaucoup d'espèces sauvages ou élevées. Il peut avoir une origine spontanée ou résulter d'une induction artificielle, comme c'est le cas pour certaines espèces d'intérêt aquacole chez lesquelles il est associé à une nette amélioration des performances biologiques.
L'induction et l'utilisation d'espèces polyploïdes sont loin d'être une particularité propre à certains poissons ou mollusque bivalves. La majorité des espèces végétales de grande culture sont des polyploïdes, spontanés ou induits, sélectionnés grâce à leurs performances de rendement, de résistance, de taille et de qualité de fruits. C'est le cas, par exemple, de la canne à sucre, de la betterave sucrière, du bananier, du pommier, de l'oranger, du citronnier, du cotonnier, de la pomme de terre, du blé dur et tendre, de l'orge, de la fraise....
La revue présentée dans cette analyse fait suite à plusieurs autres synthèses traitant de l'amélioration des espèces aquacoles via la modification de leur niveau de ploïdie. Elle apporte un éclairage actualisé sur les potentialité d'utilisation de la stérilisation (spécialement via la triploïdisation) dans la gestion du risque lié à la nécessité du confinement génétique visant à empêcher, ou du moins limiter le plus possible les flux de gènes entre les espèces élevées, issues d'amélioration génétique classique, et leurs apparentées sauvages.
La présente revue s'intéresse tout particulièrement aux applications pratiques de la polyploïdie dans l'aquaculture moderne en éclairant largement les aspects suivants :
- Les méthodes d'induction de la triploïdie (maternelle via la rétention de la première division mitotique ou de l'un des deux globules polaires suite à un choc physique ou chimique, ou paternelle via le croisement d'un mâle tétraploïde avec une femelle diploïde) et la comparaison de leur efficacité relative dans la production, à l'échelle commerciale, d'une descendance autotriploïde (issue d'un croisement initial impliquant la même espèce) ou allotriploïde (issue d'un croisement initial interspécifique ou intergénérique).
- Les méthodes d'induction des tétraploïdes, soit directement à partir de diploïdes via la suppression de la première division mitotique (poissons, surtout), soit en utilisant des ovocytes produits par des femelles triploïdes (cas des huîtres). Ces diverses méthodes de tétraploïdisation produisent des cheptels dont les caractéristiques génétiques, les performances biologiques et la stabilité génomique sont sujets à de notables variations. Toutefois, malgré un pouvoir fécondant plus faible comparativement aux diploïdes, les tétraploïdes restent suffisamment fertiles pour rendre possible une production commerciale et fiable d'une descendance triploïde, comme c'est le cas chez l'huître creuse Crassostrea gigas. Enfin, du fait même de cette fertilité des tétraploïdes, et en accord avec les recommandation du Conseil européen, les auteurs soulignent la nécessité de garantir le maintien des stocks tétraploïdes en milieu confiné empêchant leur échappement vers l'extérieur, en prenant comme exemple la gestion par l'Ifremer des cheptels tétraploïdes de C. gigas.
- La comparaison, par rapport aux diploïdes, des performances biologiques des différents triploïdes obtenus chez les diverses espèces concernées ainsi que le questionnement sur la potentialité d'amélioration des triploïdes, via un programme d'amélioration génétique basé sur les diploïdes. Une revue détaillée montrant des performances contrastées selon les espèces et les méthodes d'induction de la triploïdie a été réalisée sur les caractères suivants : survie, croissance, morphologie, reproduction, comportement, rendement et qualité organoleptique.
- L'application commerciale de la triploïdisation en aquaculture et la perception sociétale vis-à-vis de cette application. Les polyploïdes n'étant pas des OGM (directive 90/ 220/CEE du 23 avril 1990), leur utilisation en aquaculture a été très large, notamment en pisciculture (auto et allotriploïdes, exemple de la truite à hauteur de 15 000 t/an en Europe) et en ostréiculture (autotriploïdes, huître creuse du Pacifique avec 20 % de la production européenne et 50 % de la production américaine). Dernièrement, un élargissement du panel d'application vers d'autres poissons marins à haute valeur ajoutée est de plus en plus abordé.
- L'estimation des interactions entre les échappés triploïdes et leurs apparentés sauvages. Ceci passe par la mesure des impacts écologiques des échappements, la caractérisation du comportement sexuel des triploïdes dans le milieu ouvert, et enfin de l'impact de leur introgression génétique dans le compartiment sauvage. Même si peu de travaux scientifiques ont été consacrés à ces sujets, il en ressort toutefois que la triploïdisation peut être associée à un bénéfice certain en terme de réduction des impacts écologiques et génétiques sur les stocks sauvages.
- L'utilisation des triploïdes à des fins de confinement reproducteur, génétique ou transgénique. Plusieurs instances nationales et internationales, gouvernementales et non gouvernementales, recommandent le recours à la stérilisation dans le cadre de l'introduction d'espèces exogènes, afin de limiter les interactions entre les individus élevés et sauvages. Même si la triploïdisation peut avoir un intérêt dans certains cas particuliers (contrôle/éradication d'une espèce invasive déjà installée), l'efficacité de la triploïdisation comme moyen d'assurer un isolement reproducteur dans le cadre d'un programme d'introduction d'espèces exogènes ne peut être garantie, du fait de la stérilité incomplète des triploïdes, et de leur tendance à la réversion vers un état diploïde. Ceci peut entraîner à plus ou moins longue échéance l'installation définitive de l'espèce exogène introduite.
Sur un autre plan, la triploïdisation peut être d'un grand intérêt surtout dans le cas des espèces qui connaissent des modes d'élevage intensifs et où la coexistence d'un compartiment élevé, homogène et génétiquement peu diversifié, au contact d'un compartiment sauvage bien structuré et différencié, constitue (de par les échappements réguliers depuis le compartiment élevé) une grande menace sur la structuration génétique et la biodiversité du compartiment sauvage. Dans ce cas de figure, la triploïdisation peut éliminer ou du moins réduire l'impact génétique résultant de ces échappements.
Enfin, concernant le cas particulier des OGM, l'extrême hostilité envers leur élevage, combinée aux limites de la stérilisation par triploïdisation rendent la sécurisation de leur élevage impossible, et cela même en combinant la triploïdisation et l'hybridation interspécifique. Ainsi, de grands efforts de dialogue et de recherche, sur les OGM eux-mêmes et sur les approches permettant leur stérilisation totale et pérenne, restent à faire.
Analyse réalisée par : Benabdelmouna A. / Ifremer
Pour en savoir plus :
http://wwz.ifremer.fr/aquaculture/filieres/fiches_info


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