Notice
Avis du Groupe Scientifique sur les contaminants dans la chaîne alimentaire relatif à une demande de la Commission européenne sur les biotoxines marines dans les coquillages - Groupe Saxitoxines - Question nº EFSA-Q-2006-065E
Scientific Opinion of the Panel on Contaminants in the Food Chain on a request from the European Commission on Marine Biotoxins in Shellfish - Saxitoxin Group - Question nº EFSA-Q-2006-065E
The EFSA Journal, 2009, n° 1019, Adopté le 25 mars 2009, publié le 17 avril, p. 1-76 - Texte en Anglais
Adresse internet : http://www.efsa.europa.eu/cs/BlobServer/Scientific_Opinion/contam_op_ej1019_saxitoxin_marine_biotoxins.pdf?ssbinary=true
Analyse
La Commission a demandé à l'EFSA d'évaluer les limites fixées par la réglementation européenne (Paquet Hygiène) actuellement en vigueur, pour différentes biotoxines marines en considérant les aspects protection de la santé humaine et méthodes d'analyses. Le présent avis concerne les toxines du groupe des saxitoxines (STX) qui ont des effets paralysants, d'où le nom de paralytic shellfish poisoning (PSP).
Le rapport de l'EFSA prend en compte les informations scientifiques pertinentes, notamment le rapport de la consultation ad hoc d'experts FAO/IOC/OMS sur les biotoxines dans les mollusques bivalves (2004) et les conclusions du groupe de travail du Comité du Codex pour les produits de la pêche (CCFFP - Ottawa, 2006).
Identification du risque
Les saxitoxines sont essentiellement produites par les dinoflagellés du genre Alexandrium. Plus de 30 toxines du groupe STX ont été identifiées ; elles ne présentent pas toutes le même niveau de toxicité, c'est pourquoi des facteurs d'équivalence (TEF) de toxicité sont attribués par rapport à la toxine de référence STX. Néanmoins, les informations toxicologiques disponibles ne sont pas suffisantes pour établir des TEF robustes et précis pour les différents analogues STX.
A partir des données sur les intoxications humaines, le groupe sur les contaminants de l'EFSA a établi une Dose Minimale avec Effet Nocif Observé (LOAEL) de l'ordre de 1,5 µg d'équivalent STX par kg de poids corporel puis, en appliquant un facteur de 3, a estimé la Dose Sans Effet Nocif Observé (NOAEL) à 0,5 µg d'équivalent STX par kg de poids corporel ; en l'absence d'autres facteurs de correction, cette valeur constitue également la dose de référence de toxicité aiguë (ArfD).
Prévalence / exposition au risque
Le groupe constate le manque de données représentatives de la prévalence des toxines STX dans les différentes espèces de coquillages dans la plupart des pays européens. De même, les données de consommation des coquillages dans les États Membres sont insuffisantes. En vue de protéger le consommateur, s'agissant de toxicité aiguë, le groupe préconise de définir une portion consommée " standard " de grande taille correspondant à 400 g de chair de coquillages. C'est cette valeur haute de portion consommée qui sera utilisée dans l'évaluation de l'exposition.
Caractérisation du risque
La consommation de 400 g de chair de coquillages contenant des toxines STX à un niveau correspondant à la limite réglementaire européenne de 800 µg de STX par kg de chair résulterait en une exposition de 320 µg STX par personne, ou encore, pour un adulte de 60 kg, à 5,3 µg par kg de poids corporel. C'est environ 10 fois plus que la dose de référence de toxicité aiguë définie plus haut. Pour éviter le dépassement de cette dose de référence, il faudrait que la portion de 400 g ne contienne pas plus de 30 µg STX, ce qui revient à une teneur de 75 µg par kg de chair de coquillage.
Passer d'une limite réglementaire de 800 µg STX par kg de chair à 75 µg aurait, bien sûr, un impact considérable sur les dispositifs de surveillance, sur l'activité conchylicole, et sur le commerce intra-communautaire et international. Une telle évolution de la teneur limite pose un certain nombre de difficultés techniques, qui sont d'ailleurs pointées par le groupe spécialisé de l'EFSA. Celui-ci reconnaît qu'il y a encore trop d'incertitudes pour établir une estimation fiable et représentative de l'exposition alimentaire aux toxines du groupe STX dans les pays de l'Union européenne. Le rapport du groupe considère également en détail le problème des méthodes d'analyses. Les tests souris ont une limite de détection de 370 µg STX/kg et ne sont donc pas adaptés pour détecter des teneurs aussi basses que 75 µg ; la méthode chimique HPLC (méthode de Lawrence) est plus sensible, mais nécessiterait tout de même des améliorations pour abaisser le seuil de quantification. De même, la méthode CL-SM/SM nécessiterait des adaptations, et en tout état de cause, une validation.
En conclusion, le groupe formule des recommandations visant à améliorer la collecte et l'exploitation des données sur les épisodes d'intoxications PSP pour :
- réduire les incertitudes sur la dose de référence de toxicité aiguë (ArfD),
- recueillir plus de données toxicologiques pour disposer de TEFs plus solidement établis pour les différents analogues STX,
- améliorer et élargir les bases de données de consommation des coquillages, notamment pour valider la portion standard.
Des données sont aussi nécessaires pour évaluer l'effet des procédés de transformation sur les niveaux des analogues STX.
Il est à noter que l'évaluation du risque réalisée par l'EFSA rejoint en partie celle conduite par la consultation d'experts FAO/OIC/OMS de 2004 ; celle-ci aboutissait aussi à une diminution de l'ArfD et calculait des teneurs limites dans la chair de coquillages en fonction de plusieurs tailles de portion standard. Mais le rapport pointait également les incertitudes liées au manque ou à l'hétérogénéité des données toxicologique ou de consommation.
En élaborant la norme internationale pour les mollusques bivalves, Le Codex Alimentarius avait utilisé une partie de l'information scientifique fournie par la consultation d'expert mais n'avait pas retenu pour la gestion du risque STX les teneurs limites découlant du rapport.
Ces deux avis indépendants illustrent bien la difficulté de traduire en mesures de gestion de risque les résultats de l'évaluation du risque. Celle-ci doit s'appuyer sur des scénarios d'exposition réalistes et elle utilise pour cela les données toxicologiques et de consommation existantes mais souvent incomplètes, ce qui conduit à des incertitudes pouvant avoir des incidences importantes sur les résultats.
Le gestionnaire du risque doit traduire les résultats de l'évaluation en mesures réglementaires cohérentes avec les objectifs de santé publique qu'il s'est fixés et en s'assurant que ces mesures sont applicables compte tenu des moyens disponibles, notamment des performances des méthodes d'analyses.
Analyse réalisée par : Loréal H. / IFREMER