Notice
Histamine et amines biogènes : formation et importance dans les produits de la mer
Histamine and biogenic amines: formation and importance in seafood
Dalgaard P.*, Emborg J., Kjølby A., Sørensen N.D., Ballin N.Z.
* Technical University of Denmark, National Institute of Aquatic Resources, Department of Seafood Research, Building 221, Søltofts Plads DK-2800 Kgs. Lyngby, Denmark ; E-mail : pad@aqua.dtu.dk
Improving seafood products for the consumer, 2008, Vol. 69, p. 293-324 - ISBN : 978-1-4200-7434-5 - Texte en Anglais
Analyse
3 - Sécurité des produits de la mer
3 - 4 Biocom
Ce chapitre résume les connaissances relatives aux intoxications histaminiques (HFP). L'objectif du projet BIOCOM était de réduire leur occurrence. Pour cela, les cas d'intoxications ont été recensés et étudiés en se focalisant sur les caractéristiques chimiques et microbiologiques des produits de la mer impliqués. Les bactéries responsables de la formation d'amines biogènes ont ensuite été identifiées. Le projet s'est concentré sur une bactérie psychrotolérante capable de former des concentrations toxiques en histamine dans les produits à des températures de stockage proches de 0°C. Les propriétés des produits et les conditions de stockage permettant de réduire la production d'histamine ont été identifiées.
Un historique des intoxications histaminiques (HFP) a été dressé. Ces intoxications se produisent partout dans le monde. Leur nombre est sous-estimé, étant donné que le temps d'incubation et de développement des symptômes est souvent très court (pas de consultation de médecin), qu'elles sont souvent confondues avec des allergies alimentaires, et que certains pays ne les recensent pas.
Hawaï arrive largement en tête avec 31 cas par an et par habitant, suivi du Danemark (4,9), du Japon (1,1 à 3,7), de la Nouvelle-Zélande (3,1) et de la France (2,5). Les chiffres hawaïens sont essentiellement dus à la consommation de thon albacore et de coryphène.
Deux faits sont mis en évidence : il n'y a pas de relation entre la quantité annuelle consommée dans le pays et le nombre de HFP ; l'incidence au Japon a diminué suite à un refroidissement plus rigoureux du poisson et à une diminution de la consommation de poissons séchés. Ces faits démontrent l'importance des espèces consommées et des méthodes de conservation sur la prévalence des HFP.
De nombreuses espèces sont impliquées dans les HFP, notamment les scombridés, qui ont des concentrations en histidine (précurseur de l'histamine) supérieure à 2 000 mg/kg dans la majorité des cas, et à moindre échelle le saumon, avec 130 à 1 000 mg/kg. Dans 90 % des cas de HFP, la concentration en histamine est supérieure à 500 mg/kg.
Des variations très importantes des quantités d'histamine au sein d'un même poisson sont constatées : de 16 à 1 020 mg/kg selon la partie prélevée, ce qui complexifie l'interprétation des analyses, d'autant plus que la présence d'autres amines biogènes est rarement étudiée et qu'elle pourrait accroître la toxicité orale de l'histamine. En Europe, la règlement CE n°2073/2005 indique la limite autorisée en histamine pour les produits (50 à 100 mg/kg suivant les produits) et la méthode de dosage à utiliser (HPLC).
De nombreuses bactéries sont capables de former de l'histamine, ce sont principalement des bactéries mésophiles, notamment Morganella morganii, Hafnia alvei, Raoultella planticola, Raoultella ornithinolytica, Klebsiella oxytoca... Le projet a permis de mettre en évidence deux bactéries psychrotolérantes productrices d'histamine : Photobacterium phosphoreum et Morganella psychrotolerans (nouvelle espèce, découverte au cours du projet).
Suite à cette identification, aux données collectées dans la littérature et à de très nombreux essais de stockage, un modèle prévisionnel a été mis au point, tenant compte de la croissance de Morganella psychrotolerans et de la concentration en histamine en fonction de la température de stockage, de la contamination initiale...
L'effet du conditionnement sous atmosphère modifiée a également été étudié, ainsi que l'effet du sel et du pH. A partir des synthèses et des essais effectués, des recommandations sont formulées pour gérer le risque histaminique :
- la concentration bactérienne des produits devrait être diminuée grâce à une éviscération et à un rinçage efficace,
- les poissons stockés en aérobie, sous vide ou sous atmosphère modifiée devraient être conservés à 0°C pour prévenir la formation d'histamine,
- si les produits sont conservés à une température supérieure (entre 2 et 4°C), la date limite de consommation (DLC) doit être validée. Les modèles prédictifs mis au point avec Photobacterium phosphoreum et Morganella psychrotolerans sont suggérés,
- pour les produits semi-préservés, une concentration en sel de 5 % en phase aqueuse est conseillée ainsi que la détermination d'un compromis entre température de conservation et DLC,
- la détermination de limites de concentration pour les autres amines biogènes ne semble pas pertinente, étant donné qu'il n'y a aucune preuve de leur synergie sur la toxicité de l'histamine ; des essais de toxicité devraient être envisagés ; de plus, il a été prouvé que leurs concentrations étaient proportionnelles à celle de l'histamine,
- la présence de Morganella psychrotolerans dans l'environnement de travail (bateaux, ateliers de transformation) devrait être étudiée, ainsi que les voies de contamination qui ne sont pour l'instant pas suffisamment connues.
Le projet BIOCOM a permis des avancées scientifiques importantes dans la connaissance et la maîtrise du risque lié aux intoxications histaminiques. Les modèles prédictifs mis au point sont une aide précieuse pour les professionnels.
Les intoxications histaminiques sont les premières toxi-infections alimentaires liées à la consommation de produits de la pêche en France.
Une fiche de synthèse sur l'histamine a été réalisée par l'Ifremer, des informations sont fournies sur sa formation, les espèces concernées, l'intoxication histaminique, les aspects réglementaires et normatifs, ainsi que des conseils pour éviter sa formation. Une seconde fiche a été réalisée sur les méthodes de dosage de l'histamine, et reprend notamment la méthode décrite dans la réglementation européenne.
Des fiches " en savoir plus " apportent des éléments sur les bactéries psychrotolérantes, la toxicologie de l'histamine et l'effet du conditionnement sous atmosphère modifiée. Ces fiches ont été réalisées pour le Centre national de veille des produits aquatiques et sont mises à disposition sur son site (
Analyse réalisée par : Kolypczuk L. / IFREMER