Notice
Les principes internationaux pour une aquaculture raisonnée de crevettes
International Principles for Responsible Shrimp Farming
FAO, NACA, UNEP, WB, WWF
Document Internet, 2006, p. 1-26 - Texte en Anglais
Adresse internet : http://library.enaca.org/shrimp/publications/shrimp-principles-2006.pdf
Analyse
La FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations), le NACA (Network of Aquaculture Centres in Asia-Pacific), l’UNEP (United Nations Environment Programme), le Groupe WB (World Bank) et le WWF (World Wildlife Fund), regroupés au sein du « Consortium on Shrimp Farming and the Environment », publient en commun ce document qui vise à définir des principes généraux permettant de tendre vers une meilleure durabilité du secteur de l’aquaculture de crevettes, aux différentes échelles possibles (locales ou nationales, régionales et planétaire). La croissance extrêmement rapide de ce secteur et les questionnements en termes d’impacts environnementaux et sociaux démontrent l’utilité d’un tel document, qui a été structuré en 8 familles de principes généraux :
- quatre concernent directement les fermes (positionnement, conception, utilisation des ressources en eau, gestion du cheptel),
- deux se situent au niveau des interprofessions (formulation des aliments, gestion zoo sanitaire des élevages),
- deux se situent au niveau sociétal (sécurité alimentaire et responsabilité sociale) et en conseils de mise en oeuvre, tant dans le secteur public que dans le secteur privé.
Mais ces principes généraux et recommandations se classent en fait en deux grandes catégories.
1) la composante biologique de la durabilité. L’impact de la crevetticulture sur le proche environnement doit être minimisé grâce à une série de recommandations dont les plus marquantes sont les suivantes :
- au niveau des fermes :
. éviter de construire des fermes à la place de la mangrove, voire replanter de la mangrove sur les sites d’anciennes fermes ; selon ce document, les fermes construites au dessus de la zone intertidale seraient plus respectueuses de l’environnement, alors que l’exemple calédonien montre que des fermes construites sur les zones sablo argileuses d’arrière mangrove peuvent être respectueuses de l’environnement ;
. limiter les échanges d’eau entre fermes et environnement extérieur pour circonscrire les risques de pollution des eaux douces par l’eau de mer sur les fermes construites sur des terrains au dessus de la zone intertidale ;
. utiliser des zones tampon et de sédimentation pour les effluents afin de circonscrire les flux de matière vers l’extérieur ;
. limiter les effluents par l’utilisation de protocoles d’élevage adaptés ;
. ne pas utiliser l’eau douce pour contrôler la salinité ;
- au niveau des filières :
. favoriser l’utilisation de stocks domestiqués d’espèces indigènes ; ce document n’évoque pas la question des «pollutions génétiques», c'est-à-dire les flux de gènes des populations domestiquées vers les populations sauvages ; il ne tient donc pas compte du fait que les crevettes domestiquées non indigènes permettent de limiter ces flux à zéro lorsque les espèces introduites ne se reproduisent pas localement.
. rechercher des formulations d’aliment moins consommatrices de farines de poisson et optimiser la distribution d’aliment.
. appliquer des mesures zoo sanitaires adaptées au contexte, afin de limiter les risques de maladie par limitation du stress en élevage, les risques de transmissions de pathogènes entre fermes et entre écloseries et fermes, et l’usage des antibiotiques.
2) la composante sociale et humaine de la durabilité.
Elle se décompose en une recherche de sécurité alimentaire et en un mode de production « équitable » qui permettrait à tous de profiter des bénéfices de cette activité, dans le respect du travail des acteurs. Les recommandations en termes de mise en oeuvre des 8 principes par les pouvoirs publics font largement appel à l’encadrement des professionnels (via notamment les réglementations et les programmes de suivis et de formation), ainsi qu’aux études d’impacts de nouveaux projets. Parallèlement le secteur privé est sollicité pour développer des guides de bonne pratique à partir du partage des savoir-faire et pour investir selon ces principes d’« aquaculture responsable». Enfin la coopération régionale et internationale est présentée comme un facteur favorisant potentiellement la durabilité de cette aquaculture.
Le document se présente donc comme un catalogue de recommandations de bon sens devant être mises en oeuvre par l’ensemble des acteurs de la crevetticulture mondiale qui visent la durabilité de cette production. Et en ce sens, il pourrait inspirer d’autres filières que la crevetticulture.
Cependant, aucune recommandation n’est expressément émise en matière d’analyse générale des systèmes de production crevetticole (allant par définition des produits bruts nécessaires au fonctionnement de ces systèmes jusqu’à la mise sur le marché), et ceci ni au niveau des principes retenus, ni dans la mise en oeuvre de ces principes. Ce document n’aborde donc en particulier pas directement la problématique de l’impact de l’ensemble de ces systèmes de production sur l’écosystème planétaire ni en termes de rejets de gaz à effet de serre ni en termes de consommation d’énergie non renouvelable. Pourtant, dans une optique de durabilité des filières et de responsabilisation de leurs acteurs, ces questions sont cruciales pour l’ensemble des productions primaires, et en particulier pour la crevetticulture. Ces questions ont de surcroît une résonance particulière dans toutes les filières qui, comme la crevetticulture, seront tôt ou tard confrontées aux questions que posent, en termes de coût à l’échelle de l’écosystème planétaire, la congélation et le stockage -parfois de plusieurs mois- des produits finaux, ainsi que leur transport sur de très grandes distances (lié à la délocalisation des sites de production, parfois extrême, par rapport aux lieux de consommation).
C’est probablement pour cette raison que l’objectif affiché du document n’est que de fournir aux différents acteurs des éléments permettant d’améliorer la durabilité de l’aquaculture de crevette ... En d’autres termes, les éléments listés sont pour la plupart nécessaires, mais non pas suffisants pour atteindre une véritable durabilité de la crevetticulture mondiale.
Analyse réalisée par : Goyard E. et Harache Y. / IFREMER