Notice

  • Bibliomer n° : 32 - Décembre 2005
  • Thème : 4 - Environnement
  • Sous-thème : 4 - 1 Qualité du milieu
  • Notice n° : 2005-3339

Bilan de l'azote et du phosphore pour les cages d'aquaculture des zones côtières et marines, impacts de la charge en effluents sur l'écosystème . Revue et analyses pour le développement d'un modèle

Nitrogen and phosphorus budget in coastal and marine cage aquaculture and impacts of effluent loading on ecosystem: review and analysis towards model development

Islam M.S.*

* Division of Applied Biosciences, Faculty of Fisheries, Graduate School of Agriculture, Kyoto University, Kyoto 606-8502, Japan ; Tél : +81.075.753.62.25 ; Fax : +81.075.753.62.29 ; E-mail : msi@kais.kyoto-u.ac.jp

Marine Pollution Bulletin, 2005-01, Vol. 50 (1), p. 48-61 - Texte en Anglais


Analyse

L’aquaculture en cages est une pratique de plus en plus courante dans le monde entier, aussi bien en terme de nombre de cages, de surface occupée, que de tonnages produits. Dans certains pays, la production a été multipliée par plus de 15 en l’espace de 20 ans. Plus de 50 espèces de poissons d’intérêt commercial sont élevées de cette façon. Toutefois, l’aquaculture en mer est un système ouvert et par conséquent les déchets sont rejetés directement dans le milieu, soit sous forme solide, soit liés à la matière particulaire, et donc soumis à la sédimentation. Les rejets d’azote (N) et de phosphore (P) sont dus aux aliments non consommés, aux N et P non digérés (fèces) et aux excrétions par les ouïes et urines. Les cages se trouvent donc en forte interaction avec l’environnement marin ou côtier. Cet article évalue l’enrichissement en N et P des zones côtières et discute de l’échelle spatiale des impacts de ces effluents.
Pour l’aquaculture en mer, l’alimentation, souvent enrichie, est la plus grosse source de N et P. Généralement, cet enrichissement peut être attribué à un ou plusieurs de ces facteurs :
- perte en aliment liée à de mauvais managements d’élevage,
- mauvaise qualité d’aliment (faible stabilité et grande solubilité de l’aliment dans l’eau),
- absorption limitée résultant d’une faible digestibilité de l’aliment ou d’un mauvais métabolisme du poisson.
La quantité d’aliments à distribuer pour nourrir les poissons est déterminée par différents facteurs internes qui vont eux aussi influer sur les quantités de déchets produits et libérés dans l’environnement : par exemple, la densité de poissons par cage, le régime alimentaire appliqué (type d’aliment,...) ou encore la fréquence d’alimentation.
Concernant la quantité de fèces produite, elle est liée à la quantité de nourriture fournie aux poissons et à la digestibilité de l’aliment. Certains auteurs ont estimé la production de matière fécale à 260 g de matière sèche par kg d’aliment consommé. De même, ce sont entre 45 et 55 kg d’ammonium qui sont excrétés par tonne de poissons produite.
D’après différentes études, l’auteur estime qu’une tonne d’aliment poisson contient environ 77 kg de N et qu’une tonne de poisson en contient 27 kg. L’enrichissement en azote représente des valeurs très importantes, allant de 47 à 320 kg de N par tonne de poissons produite, dépendamment des espèces de poissons élevées (les truites arc-en-ciel produisant le moins), du milieu et du régime alimentaire : il a ainsi été remarqué que l’enrichissement en azote était moindre avec de la nourriture industrielle (47 à 130 kg/t) comparativement à des alimentations à base de poissons (environ 320 kg/t).
Un modèle prédictif a été établi par l’auteur, estimant les rejets globaux de la mariculture à l’échelle mondiale (à partir de données de la FAO) à 1325 tonnes de N et 250 t de P (soit 132,5 kg de N et 25 kg de P par tonne de poissons produite). Ce modèle s’appuie sur des valeurs de taux de conversion des aliments (TCA) (1) de N et P dans l’aliment et de N et P dans les poissons.
L’utilisation de ce type de modèle est fréquente, toutefois, il s’avère qu’il est plus pertinent d’utiliser le taux de conversion de matière sèche (kg de matière sèche -MS- nécessaire pour produire un kg de MS de poisson). En effet, le taux de MS est beaucoup plus important dans les aliments (90 %) que dans les poissons eux-mêmes (30%) et il paraît par conséquent plus pertinent de les comparer sur un plan identique. On obtient ainsi une image plus proche de la réalité. Avec ce raisonnement, les valeurs de déchets estimées avec le modèle habituel (basé sur le TCA) se trouvent en effet sous-estimées puisqu’on obtient alors des valeurs de 1 500 t de N et 264 t de P partant annuellement dans l’environnement.
Au niveau de l’impact environnemental, la majorité des études rapporte une augmentation de la matière en suspension et des taux de sels nutritifs ainsi qu’une diminution des concentrations en oxygène dissous autour des cages. Les apports de composés azotés solubles entraînent une hypernutrification des eaux côtières, alors que l’enrichissement en P aboutit plutôt à une eutrophisation. On observe dans la grande majorité des cas une accumulation de matière organique (MO) sur le sédiment pouvant conduire à des conditions anoxiques (pouvant entraîner la production de méthane et H2S, ce dernier étant toxique pour les poissons de l’élevage). De tels impacts ont des conséquences sur l’environnement, la chimie des sédiments (et donc sur les communautés benthiques) mais également sur les fermes aquacoles elles-mêmes. De plus, il a été observé que le P soluble provenant de la MO pouvait favoriser le développement de blooms phytoplanctoniques toxiques. La présence des cages a également des conséquences sur le zooplancton et le zoobenthos. Globalement, sous les cages, le nombre d’espèces et la densité de chacune a tendance à diminuer fortement, laissant la place à quelques communautés opportunistes (par ex. Capitella capitata).
L’échelle spatiale de cet impact dépend de la surface exploitée, du degré de l’intensification de la production, du volume produit mais aussi de conditions environnementales naturelles (courantologie, vélocité des particules pour se déplacer ou sédimenter) et de la profondeur sous les cages. L’impact est maximum près des cages mais se ressent plusieurs centaines de mètres autour (teneur en N du sédiment, teneur en N des particules sédimentant). Toutefois la grande variabilité des vitesses de sédimentation et des conditions environnementales empêche de donner des valeurs moyennes de surface impactée ou de temps nécessaire pour les impacter.
Il a été estimé qu’avec des pertes en aliments nulles et un TCA assez faible, on faisait diminuer de façon drastique l’enrichissement du milieu en N et P. On comprend ainsi l’importance de raisonner sur le régime alimentaire appliqué aux poissons (taille de la ration, fréquence et mode de distribution) afin d’essayer de réduire les impacts occasionnés par les cages, qui comme il a été décrit plus haut, peuvent être très importants. Des études sont ainsi menées sur les aliments afin d’obtenir une digestibilité maximale et une solubilité dans l’eau minimale, mais aussi sur le lien TCA/mode de distribution de l’aliment. Les résultats sont mitigés quant à l’efficacité d’une distribution « à la demande » pour diminuer les pertes en aliments.
Quelques recommandations peuvent toutefois être proposées :
- assurer une bonne ration au niveau nutritionnel,
- penser à l’utilisation d’aliments flottant en surface (alors que généralement, les aliments coulent et ne passent qu’un instant court dans la colonne d’eau limitant l’accessibilité pour les poissons),
- bien choisir la taille des grains de l’alimentation.
D’une façon générale, la production aquacole peut engendrer des impacts environnementaux importants. Une gestion raisonnée de cette activité doit être réalisée afin d’en faire une activité durable en respectant notamment la capacité de support du milieu. Ceci nécessite de nouvelles études car les données récentes manquent. Toutefois, étant donné la très grande variabilité d’une ferme à une autre au niveau des espèces, des conditions d’élevage, de l’environnement, il apparaît très difficile d’estimer l’impact ou encore d’imposer des réglementations sur les quantités d’effluents rejetés dans l’environnement. En mer Méditerranée par exemple, une partie importante des pertes en aliment est consommée par les poissons du milieu, qui sont attirés. Les rejets en N et P sont donc réduits par rapport à ce qu’ils pourraient être et les estimations des modèles faussées.
Il est toutefois noté que des améliorations techniques et technologiques (meilleurs apports nutritionnels, diminution de la teneur en N et P,...) au niveau de l’alimentation ont été réalisées. Cette tendance est très nette dans l’industrie aquacole européenne et il a été observé une diminution notable des rejets en N et P (pour une production donnée) au cours des 20 dernières années. En revanche, étant donné le fort développement de cette activité dans les pays Asiatiques et les impacts importants qui commencent d’ores et déjà à être observés, des efforts particuliers devraient désormais être faits dans ces pays.
(1) Plus les valeurs de TCA sont fortes, plus il faut de nourriture pour produire une quantité donnée de poissons
Analyse réalisée par: Léonard M. / IFREMER


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