Notice
Maîtrise du développement de Listeria monocytogenes dans le saumon fumé : intérêt de la biopréservation par des bactéries lactiques
Richard, C., Leroi, F., Brillet, A., Rachman, C., Connil, N., Drider, J., Pilet, M.F., Onno, B., Dousset, X., Prevost, H.*
* Unité de Recherche Qualité Microbiologique et Aromatique des Aliments, ENITIAA, rue de la Géraudière, BP 82225, 44322 Nantes Cedex 3, France ; E-mail : prevost@enitiaa-nantes.fr
Lait, 2003, Vol. 83, p. 1-10
Analyse
La première partie de cet article résume les connaissances sur le saumon fumé, le procédé de fabrication, la microflore d’altération, les origines et conséquences de la contamination par Listeria, ainsi que la maîtrise de la qualité de ce produit.
Le saumon fumé n’est pas un produit stérile. La matière première suit un procédé de transformation relativement long (environ 24 h à des températures variant entre 12 et 26°C) avec une manipulation importante, et donc un risque de contamination et de développement microbien non négligeable. Aucune étape du procédé ne permet une élimination totale des germes contaminant le produit. Le salage et le fumage entraînent seulement une réduction partielle de la charge microbienne. De plus, le saumon fumé peut être conservé sous vide à basse température pendant plusieurs semaines, délai durant lequel certains germes psychrotrophes peuvent se développer. Parmi ces germes, certains comme des Lactobacillus spp, Brochothrix thermosphacta, Serratia liquefaciens, Photobacterium phosphoreum ...sont capables, s’ils sont présents en trop grand nombre, de dégrader la qualité organoleptique du produit. Certains lots peuvent également être contaminés, généralement en très faible quantité, par Listeria monocytogenes, la bactérie responsable de la listériose. Toutes les études réalisées en ajoutant artificiellement des Listeria dans du saumon fumé montrent une croissance importante de cette bactérie en quelques semaines, particulièrement si la température de conservation de 4°C n’est pas strictement respectée. Le seuil de 100 L. monocytogenes /g à la DLC, toléré en France, peut alors être dépassé. Heureusement, les résultats observés dans des produits naturellement contaminés sont moins alarmants, mais même si aucun cas de toxi-infection n’a été imputé à ce jour au saumon fumé, il n’en reste pas moins qu’un tel événement serait catastrophique pour toute la filière.
Afin de limiter le risque lié aux bactéries d'altération d'une part et aux bactéries pathogènes d'autre part, des bonnes pratiques de fabrication et d'hygiène sont nécessaires, ainsi que le respect de la chaîne du froid (< 4°C) par le vendeur et le consommateur. Malgré toutes ces précautions, il est impossible d’espérer une totale élimination des germes indésirables. C’est pourquoi l’intérêt de la biopréservation est débattu dans la deuxième partie de cet article.
Le procédé de biopréservation consiste à ajouter dans un produit des bactéries (ou leurs métabolites actifs) sélectionnées pour leur capacité à empêcher le développement de germes indésirables. Un des principaux problèmes liés à l’utilisation de cette technologie est que la plupart des germes donnant de bons résultats au laboratoire ne sont pas souvent applicables en industrie, car leur croissance dans le produit à basse température est faible ou parce qu’ils altèrent la qualité sensorielle. Cependant, dans le cas du saumon fumé, plusieurs bactéries lactiques intéressantes du genre Carnobacterium ont étés isolées de ce produit. Elles produisent des bactériocines (petits peptides) à forte activité anti-Listeria et ne sont pas connues comme présentant un fort potentiel d’altération du saumon fumé. L’une de ces bactéries, Carnobacterium divergens V41, a été testée avec succès contre une soixantaine de souches de L. monocytogenes représentatives des souches de saurisserie française. Inoculée dans le saumon fumé (104-5 ufc/g), elle permet de maintenir le nombre de L. monocytogenes (taux initial 20 ufc/g) à un seuil inférieur à 50 ufc/g pendant toute la durée de stockage à 4 et 8°C, sans pour autant modifier les qualités physico-chimiques (ABVT, amines biogène, pH) ni organoleptiques du produit. Le concept de biopréservation est prometteur et nécessite maintenant d’être validé au niveau industriel. De nouveaux développements de ce concept devraient amener les chercheurs à proposer des stratégies à plus larges spectres, permettant aussi une inhibition de la flore d’altération. L’utilisation de cette technologie ne doit en aucun cas annihiler les efforts qui sont faits sur l’hygiène et les bonnes pratiques de fabrication pour produire un saumon fumé de bonne qualité, mais être considérée comme une barrière supplémentaire permettant de garantir la sécurité du produit.
Analyse réalisée par : Leroi F. / IFREMER