Notice
Phycotoxines amnésiantes (ASP)
Amzil Z.*
* Direction de l'Environnement et de l'Aménagement du Littoral, Ifremer, BP 21105, 44311 Nantes cédex 01 ; Tél : 02.40.37.40.00 ; E-mail : Zouher.Amzil@ifremer.fr
Phycotoxines amnésiantes (ASP) : Guide et Manuel - Document de prescription REPHY, 2001-12, p. 2-4
Analyse
Fin 1987, de graves cas d'empoisonnements alimentaires alarmèrent la population canadienne. 145 personnes, ayant consommé des moules récoltées dans l'Ile-du-Prince Edouard (Canada), présentèrent des troubles digestifs, neurologiques et surtout une perte de mémoire, d’où le nom de toxines amnésiantes. Ce nouveau syndrome est connu sous la dénomination anglo-saxonne : Amnesic Shellfish Poisoning (ASP). Les premiers symptômes, de type gastro-intestinal surviennent dans un délai de 2 à 24 heures après consommation de coquillages contaminés. Entre 24 et 48 heures, ce sont des symptômes neurologiques qui sont observés. Dans les cas les plus graves, il apparaît une perte de mémoire irréversible.
C'est après des recherches intensives que la phycotoxine responsable a été identifiée comme étant l'acide domoïque. En fait, ce composé fut isolé pour la première fois au Japon, à partir de l'algue rouge Chondria armata domoi. L’acide domoïque est un acide aminé secondaire tricarboxylique comprenant 15 atomes de carbone (C15H21NO6 masse molaire 311). A des températures élevées (> à 50°C), il se produit une isomérisation de l’acide domoïque en son épimère (acide épidomoique) qui est également toxique.
Parmi les bivalves vecteurs de ce type d'intoxication, on trouve principalement les moules, les coques, les palourdes, les pectinidés... L'acide domoïque peut s’accumuler également dans d’autres organismes marins non filtreurs comme par exemple les anchois. S’il est sans effet sur ces derniers, il peut être mortel pour les oiseaux marins qui les consomment.
Contrairement aux tests de dépistage des toxines diarrhéiques et paralysantes utilisant le test biologique sur souris, c'est une méthode physico-chimique utilisant la Chromatographie Liquide Haute Pression (CLHP) qui a été imposée par la directive européenne pour la détection de l'acide
domoïque (AD) dans les coquillages, du fait de sa spécificité et de sa sensibilité. Le seuil de sécurité sanitaire est de 20 µg AD/ g de chair.
L'espèce responsable de cette intoxication a été identifiée comme étant la diatomée Pseudo-nitzschia pungens f. multiseries. Depuis, elle a été détectée dans d'autres sites géographiques (Nouvelle-Zélande, côtes californiennes), tandis que d'autres espèces de Pseudo-nitzschia, susceptibles d'être toxiques, ont ensuite été décelées dans plusieurs pays d'Europe, en particulier en Ecosse. En effet, toutes les espèces du genre Pseudo-nitzschia ne sont pas toxiques, seules quelques-unes ont été reconnues comme toxinogènes : P. pseudodelicatissima, P. multiseries, P. australis. Jusqu’à cette découverte, la production de phycotoxines était attribuée uniquement aux dinoflagellés et aux autres flagellés marins.
En application de la transcription en droit français de la directive européenne (97/61/CE du 20 octobre 1997) en matière de salubrité des coquillages, le dépistage des toxines amnésiantes est devenu effectif en France en 1999. Il est déclenché dès que le nombre de cellules de Pseudo-nitzschia spp., productrices de ces toxines, dépasse le seuil de 105 cellules/litre. En fait, le suivi des espèces du genre Pseudo-nitzschia existait déjà dans le cadre du réseau de surveillance de l’Ifremer (REPHY). Un premier bilan a été fait en 1995 lors des efflorescences à Pseudo-nitzschia, aucune trace d’acide domoïque n’avait été trouvée dans les coquillages. Durant l'année de mise en place de la surveillance des toxines amnésiantes par le REPHY, seules des traces de toxines largement inférieures au seuil de sécurité sanitaire ont été mises en évidence dans des bivalves en provenance de différents sites de la Bretagne, de la Charente-Maritime et de la Méditerranée. Par contre, durant le mois de mai 2000, les taux de toxines ASP ont dépassé le seuil de sécurité sanitaire en Bretagne ouest, avec des maxima de 53 µg et 32 µg d’acide domoïque par g de chair, respectivement dans des donax (Donax trunculus) et des moules. En 2002, des teneurs en acide domoïque supérieures au seuil sanitaire ont été également détectées dans les coquillages en méditerranée (Hérault, Gard).
L’accumulation de l’acide domoïque dans les coquillages pendant ces épisodes a été corrélée avec la présence de Pseudo-nitzschia pseudodelicatissima, potentiellement toxique.
Analyse réalisée par : AMZIL Z. / IFREMER