Notice
Leçons tirées d'une épidémie de listériose liée à la consommation de gravlax et de poissons fumés à froid et emballés sous-vide
Lessons from an outbreak of listeriosis related to vacuum-packed gravad and cold-smoked fish
Tham W.*, Ericsson H., Loncarevic S., Unnerstad H., Danielsson-Tham M.L., et al.
Department of Food Hygiene, Faculty of Veterinary Medecine, SLU, Box 7009, S-750 07 Uppsala, Sweden ; Tél : 46.18.672394 ; Fax : 46.18.673334 ; E-mail : wilhelm.tham@lmhyg.slu.se
International Journal of Food Microbiology, 2000, n° 62, p. 173-175 - Texte en Anglais
Analyse
Cet article rapporte une épidémie de listériose qui a eu lieu en Suède en 1994-1995. Neuf cas de listériose se sont déclarés dans la même province sur une période de onze mois. Trois cas étaient périnataux et les six autres concernaient des personnes faisant également partie des populations à risque (personnes âgées, diabétiques, personnes présentant une immunodéficience).
L’enquête épidémiologique basée sur des entretiens avec les patients, des prélèvements sur des produits toujours présents dans les réfrigérateurs des patients et en entreprise, a montré qu’il y avait une forte présomption pour que ces cas de listériose soient liés avec la consommation de truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss) marinée (type gravlax) et conditionnée sous-vide.
Listeria monocytogenes a été isolée d’une truite arc-en-ciel marinée (type gravlax) et conditionnée sous-vide trouvée dans le réfrigérateur d’un patient. La souche isolée était du sérovar 4b et du type clonal B. En examinant des produits de l’entreprise d’où provenait l’échantillon de truite analysée, ainsi que des prélèvements effectués dans cette entreprise, le même type clonal a été isolé et ce notamment, à partir de résidus de truite trouvés dans la machine de conditionnement. A noter que lors d’un contrôle de routine dans l’entreprise six mois avant le début de l’épidémie, l’autorité sanitaire locale avait isolé le même type clonal de Listeria monocytogenes. Ce type clonal faisait donc partie de la flore résidente dans l’entreprise depuis un certain temps.
Deux autres types clonaux (C et D) de Listeria monocytogenes (serovar 4b) ont été trouvés d’une part chez des patients et d’autre part dans des échantillons de produits de l’entreprise concernée. Ceci a montré que plusieurs types clonaux de Listeria monocytogenes pouvaient coexister dans un produit.
Durant l’enquête épidémiologique, Listeria monocytogenes a également été isolée à partir d’une autre marque de truite arc-en-ciel, retrouvée dans le réfrigérateur de l’un des patients. La souche isolée appartenait au type clonal E, qui n’était pas associé avec l’épidémie. Cependant, ce type clonal, appelé aussi le « clone jaune » (the yellow clone), a été associé à des listérioses d’origine alimentaire dans plusieurs pays, et est aussi le second type clonal le plus commun parmi les isolats cliniques humains de Listeria monocytogenes en Suède.
Les auteurs tirent en particulier les éléments suivants de cette épidémie :
- la première leçon est que la truite arc-en-ciel conditionnée sous vide est non seulement un excellent milieu pour la croissance de Listeria monocytogenes, mais peut aussi causer des cas de listériose humaine ;
- une autre leçon est qu’une seule unité de transformation de poisson peut répandre de multiples types clonaux de Listeria monocytogenes en vendant des produits contaminés aux consommateurs. Ainsi, lorsque l’on étudie des épidémies de listérioses liées à des poissons, on devrait identifier et typer de nombreux isolats de Listeria monocytogenes provenant de chaque échantillon alimentaire ou environnemental ;
- lors de l’enquête épidémiologique, un type clonal de Listeria monocytogenes qui est très commun et qui a déjà été associé dans plusieurs pays à des listérioses d’origine alimentaire a été retrouvé sur un échantillon de truite arc-en-ciel.
Compte tenu de ces éléments et des données de la littérature en leur possession sur la prévalence de Listeria monocytogenes dans les truites-arc-ciel et les saumons fumés à froid et marinés (type gravlax) et conditionnés sous-vide, les auteurs concluent que ces produits devraient être ajoutés à la liste des denrées pouvant potentiellement contenir le « clone jaune » de Listeria monocytogenes et qu’il est probable que ces produits ont été impliqués dans des cas supplémentaires de listérioses d’origine alimentaire en Suède.
La conclusion de cette étude devrait toutefois être étayée par des études de virulence (en effet, un des points à éclaircir dans le comportement de Listeria monocytogenes est de savoir si celle-ci est virulente ou non dans la matrice poisson fumé ; des travaux en ce sens sont prévus au sein de l’AFSSA).
Cette épidémie de listériose est à notre connaissance le premier cas recensé dans la littérature de listériose associée avec des salmonidés ayant subi de faibles traitements de transformation (dans le cas présent, de la truite arc-en-ciel marinée (de type gravlax)).
Nous rappelons d’autre part que les industriels français du secteur du saumon fumé travaillent depuis plus de dix ans sur la maîtrise du risque Listeria monocytogenes. Des études collectives ont été lancées pour d’une part mieux connaître le comportement de Listeria monocytogenes dans les poissons fumés et d’autre part pour améliorer dans les sites de production les moyens de maîtrise de Listeria monocytogenes.
Analyse réalisée par : Litman S. / CITPPM