Notice
Inactivation de Listeria monocytogenes par haute pression : effets et interactions des paramètres de traitement étudiés par analyse de variance
Inactivation of Listeria monocytogenes by high hydrostatic pressure : effects and interactions of treatment variables studied by analysis of variance
Ritz M., Jugiau F., Rama F., Courcoux P., Semenou M., Federighi M.*
* UMR d'Hygiène alimentaire, INRA/ENVN, Ecole Nationale Vétérinaire de Nantes, BP 40706, 44307 Nantes ; E-mail : federighi@vet-nantes.fr
Food Microbiology, 2000, n° 17, p. 375-382 - Texte en Anglais
Analyse
Les méthodes traditionnelles de préservation comme la chaleur ou l'ionisation sont couramment utilisées dans l'industrie pour assurer la sécurité alimentaire. L'utilisation des hautes pressions hydrostatiques comme méthode alternative de décontamination des aliments a fait l'objet de récents travaux de recherche, avec des essais sur des germes comme Listeria innocua, Escherichia coli, Staphylococcus aureus ou Salmonella typhimurium. Les effets de certains paramètres, comme la pression, la durée du traitement ou le pH du milieu sont étudiés le plus souvent individuellement, sans tenir compte des éventuelles interactions entre les variables ni calculs statistiques sérieux.
Dans cette étude, l'efficacité des hautes pressions hydrostatiques est testée sur une bactérie pathogène opportuniste des aliments : Listeria monocytogenes. Quatre variables sont étudiées : la pression, variant de 200 à 600 MPa, la durée du traitement (3, 10 et 20 mn), la température (4°C, 20°C et 40°C) et le pH du milieu (5.6 et 7.0). Le but est d'évaluer, par analyse de la variance, l'importance de chaque variable et de leurs interactions sur l'inactivation de L. monocytogenes et de déterminer les conditions minimales de traitement permettant une réduction maximale du nombre de cellules viables. Les essais sont organisés selon un plan optimisé de 40 expériences, chacune répétée cinq fois, généré par l'algorythme de Fedorov. Les cellules de L. monocytogenes sont placées dans un tampon (phosphate ou citrate selon le pH voulu), avec une concentration initiale de 108.2 ufc/ml. Après traitement, les cellules survivantes sont dénombrées par la méthode classique des boîtes de Pétri, adaptée dans le cas des très faibles concentrations pour avoir un seuil de détection de 0.1 cellule/ml.
Les résultats de l'analyse de la variance montrent que toutes les variables et leurs interactions ont un effet significatif au seuil de probabilité de 99% sur l'inactivation de L. monocytogenes. Les facteurs qui ont le plus d'effet sont la pression et le pH du milieu, et dans une moindre mesure la température et la durée du traitement.
Quand la pression passe de 200 à 600 MPa, on augmente la réduction moyenne du nombre de cellules de près de 7 log ; la relation entre la pression et l'inactivation de L. monocytogenes n'est pas linéaire mais plutôt sigmoïdale et la courbe de destruction ressemble aux courbes de destruction par la chaleur.
Pour des pressions comprises entre 300 et 500 MPa, le traitement est plus efficace à pH acide, avec une mortalité à pH 5.6 pouvant être augmentée de 3 à 6 log par rapport à pH 7.0, selon la pression considérée. En revanche pour des pressions de 200 ou 600 MPa, le pH à peu d'influence. Une hypothèse émise est que les hautes pressions pourraient restreindre la gamme de pH que les bactéries peuvent supporter par l'inhibition ATPase dépendant du transfert de protons et de cations.
Il n'y a pas de différence significative entre des traitements à 4 et 20°C. Par contre, l'inactivation est significativement supérieure à 40°C, avec un gain de 1.2 log en moyenne par rapport à 20°C. Les bactéries sont en général plus sensibles aux hautes pressions appliquées à des températures proches de leur optimum de croissance.
La durée du traitement par les hautes pressions (3 ou 10 mn) ne modifie pas la destruction de L. monocytogenes. En revanche, un traitement de 20 mn augmente considérablement l'inactivation de la bactérie (de 1 à 4 log) pour des pressions intermédiaires de 300 à 500 MPa, mais reste sans effet pour des pressions de 200 ou 600 MPa.
Les conclusions sont qu'un traitement par les hautes pressions à 200 MPa n'est jamais très efficace, alors qu'un traitement à 600 MPa est toujours très performant (on passe de 108.2 à moins de 10 ufc/ml), quel que soit le niveau des autres facteurs considérés. Pour des pressions intermédiaires, le pH du milieu et la durée du traitement sont importants. Avec les courbes proposées, le lecteur peut choisir différentes combinaisons de pression, pH, temps et température en fonction du produit qu'il travaille, pour obtenir le taux de destruction voulue. Rappelons néanmoins que cette étude a été menée en milieu liquide modèle (on ne connaît pas les effets de la matrice alimentaire) et sur une seule souche de Listeria (Scott A), en phase exponentielle de croissance. De plus, l'efficacité du traitement a été mesurée en termes de cellules cultivables mais il n'est pas exclu qu'un traitement par les hautes pressions génère des cellules non cultivables mais viables.
Analyse réalisée par : Leroi F. / IFREMER