Notice
Dossier : Produits de la mer surgelés
Parigi J.
Linéaires, 1998-09, n° 129, p. 157-164
Analyse
Le marché du poisson surgelé : offre en baisse, prix élevés et marchés en évolution pour les poissons blancs.
Evolution de la ressource
La plupart des espèces de « poissons blancs », regroupés également sous l’appellation « poissons de fond » (« groundfish » en anglais), sont en situation de surexploitation de stocks et de mauvaise gestion de la ressource. Les débarquements des principales espèces de poissons blancs (cabillaud, merlus, lieus, colin, églefin, haddock...) ont chuté de près de 35% en dix ans, tandis que la demande en poisson surgelé et en surimi, principaux débouchés pour ces espèces, a augmenté dans le même temps. Cette situation s’est aggravée récemment sous la pression d’événements structurels (épuisement de la ressource et mise en place de quotas) et conjoncturels (« El Nino » dans le Pacifique et tempêtes exceptionnelles en Atlantique). La chute de captures a été particulièrement sensible pour le merlu au Pérou à la suite au réchauffement des eaux par « El Nino ». Les quotas du Pérou pour cette espèce ont été ramenés à 150 000 t en 1998 et même 80 000 t pour 1999 alors que les débarquements avaient atteint 250 000 t en 1996.
En Atlantique nord, les stocks de cabillaud ont été décimés depuis quelques années et les experts scientifiques ont recommandé de ne pas pêcher plus de 700 000 t en 1998 tandis que les débarquements dépassaient largement le million de tonnes par an depuis le début des années 90. Quant au lieu de l’Alaska, les disponibilités semblent satisfaisantes à court terme car les besoins en cette espèce pour la fabrication de surimi sont en baisse par suite de la faible demande japonaise. A long terme cependant, il n’est pas possible d’envisager une augmentation des captures de lieu de l’Alaska.
Conséquences sur le marché international des poissons blancs
Suite à la diminution de l’offre en poissons blancs, les prix ont augmenté mais cette augmentation n’a pas été répercutée immédiatement dans les prix de détail car les intermédiaires ont d’abord comprimé leurs marges. Depuis quelques mois cependant, le cours de la plupart des poissons surgelés s’est envolé. Ce phénomène a été accentué par le haut niveau du dollar et de la livre anglaise.
Les blocs de merlu et de lieu de l’Alaska surgelé ont atteint 2 US $/kg et ceux de cabillaud près de 5 US $/kg en juillet 1998 sur le marché américain, soit une augmentation de 30 à 50% en un an. A l’importation en France, le prix des filets surgelés de cabillaud (23,5 F/kg) ou de merlu argentin (14,2 F/kg) a augmenté de 20% entre 1997 et 1998 et celui du lieu de l’Alaska (14,3 F/kg) de 30%, sans pour autant entraîner de baisse des quantités importées.
Evolution récente du marché français du poisson surgelé
En conséquence de la raréfaction de la ressource, le prix au détail des découpes (filets, darnes et morceaux) de poisson surgelé sur le marché français a augmenté de 15 à 20% en 1998, avec en contrepartie une diminution de 10% des quantités vendues (données Secodip).
Cette baisse de la demande a porté essentiellement sur les poissons nature en vrac en sachet, tandis que les ventes de poisson nature en boîtage ont augmenté. Il semble que ces produits plus élaborés et qui bénéficient de plus d’effort promotionnel aient réussi à attirer les consommateurs en dépit de l’augmentation du prix.
Cette évolution de la ressource s’accompagne d’une transformation du marché français des poissons surgelés avec la diminution régulière des poissons panés et des poissons cuisinés en sauce au profit des poissons précuits (grillés ou avec sauce légère) et des steaks hachés.
Le recul des poissons panés s’explique par le manque d’innovations dans la préparation et le conditionnement ainsi que par la hausse du prix de la matière première dont l’impact est d’autant plus fort qu’il s’agit de produits traditionnellement peu chers. Les principaux producteurs affichent cependant un certain optimisme et n’hésitent pas à entreprendre des campagnes de publicité coûteuses pour améliorer l’image de ces produits. En particulier un industriel essaye de cibler une autre clientèle que celle des enfants avec des produits enrichis en céréales ou cuisinés de façon originale.
Depuis le début de l’année 1998, on peut estimer que plus de 2 000 t de poissons nature précuits ont été commercialisés. Leur succès semble dû à leur facilité de préparation et à leur fort contenu en matière première, considéré comme valorisant par rapport aux préparations faisant disparaître le poisson. La forte augmentation des investissements publicitaires illustre d’ailleurs l’importance stratégique prise par le poisson élaboré chez les grands industriels de l’agro-alimentaire.
Les poissons d’eau douce ou d’aquaculture comme solution alternative à la baisse de la ressource en poissons de fond
La perche du Nil avait pris une place importante sur le marché du poisson blanc en Europe, mais son importation d’Afrique a été interdite pour raisons sanitaires pendant le premier semestre 1998. Depuis la levée de l’interdiction, les flux d’importation ont repris leur vigueur et constituent une alternative sérieuse aux poissons de fond.
Grâce à son prix de plus en plus faible et à la régularité de son approvisionnement, le saumon d’aquaculture est de plus en plus utilisé par les industriels de la surgélation, en particulier pour les nouveaux produits du type poisson précuit ou steak haché. Pour l’instant, aucun autre poisson d’aquaculture marine ne peut être aussi attractif en termes de prix et de disponibilité, mais un vaste marché existe qui ne pourra plus être satisfait à moyen terme par les débarquements de la pêche.
Analyse réalisée par : Paquotte P. / OFIMER