Notice

Comparaison de mesures d'intensité énergétique dans les pêcheries commerciales

Le Floc'h* P., Dangeard I.

* E-mail : plefloch@univ-brest.fr

Natures Sciences Sociétés, 2011, Vol. 19, p. 236-244

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Analyse

Les indicateurs écosystémiques ont pour fonction essentielle de nourrir le débat sur les moyens les plus efficaces dans la lutte contre le réchauffement climatique. L'activité de la pêche n'échappe pas à ce débat. Les évaluations engagées dans la filière des produits marins démontrent que l'utilisation de gazole pour la pêche a l'impact environnemental le plus important.
La problématique soulevée à partir des estimations obtenues dans le cadre de quelques pêcheries françaises concerne la pertinence de cet indicateur d'intensité énergétique. Des mesures d'intensité énergétique plus fortes sont relevées sur des cas d'étude locaux, tandis que des évaluations à plus grande échelle aboutissent à des résultats nettement inférieurs. Se pose dès lors la question de la pertinence d'indicateurs globaux. La pêche comprend en effet différentes phases successives : capture, premier marché au débarquement, transformation à terre par les entreprises de mareyage et par des unités spécialisées, marché de gros, transport, commerce de détail, consommation.

D'un point de vue exclusivement climatique, l'ADEME (2007) estime que l'impact le plus important est dû à la phase de capture et ajoute aux gaz à effet de serre émis par la pêche " 10 % pour tenir compte du transport, de la manutention, de la chaîne du froid, etc ". Pour évaluer l'impact environnemental de cette phase de capture, un indice d'intensité énergétique a été développé. Il mesure la consommation de carburant rapportée à la production en volume ou en valeur. La typologie des navires de pêche tient compte de deux critères principaux : la technique de capture et la longueur du navire. Les navires pratiquant les arts " traînants " (chalutage et drague principalement) sont distingués des unités exerçant les arts " dormants " (filets, casiers, lignes).

Les comparaisons réalisés dans l'étude montrent que la consommation unitaire de carburant en valeur varie d'un facteur 4 entre les techniques les plus performantes et les moins performantes. Mais les différences observées montrent que, plus que la technique de pêche, c'est la nature des espèces ciblées qui détermine la consommation unitaire de carburant. La technique de pêche apparaît comme un moyen d'atteindre la cible, et la meilleure valorisation des produits les plus recherchés par les consommateurs permet de couvrir des consommations énergétiques plus importantes.
L'intérêt de telles mesures repose sur la traduction de la consommation énergétique en émissions de gaz à effet de serre. Les estimations proposées dans cet article permettent de comparer, en première approximation, les produits de la mer à d'autres sources de protéines.
Il semble qu'il n'y ait aucun doute sur la prédominance de l'activité de capture comme source principale d'émissions de gaz à effet de serre. Les réponses apportées face à ce constat mettent en avant les avancées technologiques attendues sur la réduction des gaz à effet de serre, notamment par la recherche d'économie dans la consommation de carburant.
Les résultats présentés dans cet article mettent en question la pertinence d'indicateurs globaux, en particulier lorsque l'information transmise à une échelle trop large ne tient pas compte des techniques de pêche et des espèces ciblées : si un indicateur global a un intérêt à des fins statistiques, ce n'est plus le cas s'il doit être utilisé pour éclairer les choix des consommateurs.