Notice

Réponses des huîtres creuses Crassostrea gigas diploïdes et triploïdes à une infection à Vibrio par rapport à leur statut reproductif

Responses of diploid and triploid Pacific oysters Crassostrea gigas to Vibrio infection in relation to their reproductive status

De Decker S., Normand J., Saulnier D., Pernet F., Castagnet S., Boudry* P.

* Ifremer, Laboratoire de Physiologie des Invertébrés, Technopôle Brest Iroise, BP 70, 29280 Plouzané, France ; E-mail : pierre.boudry@ifremer.fr

Journal of Invertebrate Pathology, 2011, Vol. 106 (2), p. 179-191 - Texte en Anglais

Adresse internet : http://archimer.ifremer.fr/doc/00030/14108/11368.pdf


Analyse

Des épisodes de surmortalités estivales affectant les cheptels cultivés de l'huître creuse Crassostrea gigas sont rapportés depuis de nombreuses années. Les études épidémiologiques menées ont permis de mettre en évidence l'implication des vibrions, Vibrio splendidus et Vibrio aestuarianus, dans ces évènements. La présence de ces bactéries pathogènes n'est toutefois pas le seul facteur impliqué dans le déclenchement des surmortalités.

Indépendamment du caractère virulent des pathogènes, les théories de la bio-énergétique prévoient que l'état physiologique des huîtres est étroitement contrôlé par l'environnement qui régule l'allocation énergétique aux différentes fonctions physiologiques, incluant la résistance. La période estivale qui coïncide avec un investissement énergétique intense dans les fonctions reproductrices pourrait ainsi entraîner l'affaiblissement de la capacité immunitaire comme le suggèrent différentes expérimentations.

Certains travaux rapportent également que les huîtres creuses triploïdes dont le développement gonadique est réduit profiteraient ainsi d'une résistance accrue aux mortalités estivales.

La présente étude est originale car elle propose une évaluation expérimentale directe des relations entre l'investissement à la reproduction et la résistance à une vibriose.
Dans la première partie de l'article, les auteurs présentent les résultats d'une expérimentation de balnéation. Au cours de celle-ci, des huîtres sexuellement immatures, matures, ou venant de frayer sont mises en contact avec un mélange de souches pathogènes de V. splendidus et V. aestuarianus.

Les résultats de cette expérimentation constituent le premier rapport publié du déclenchement d'une mortalité lors d'une infection expérimentale d'huîtres creuses par balnéation. Les auteurs interprètent le déclenchement de cette mortalité comme une conséquence de l'utilisation d'huîtres sexuellement matures (et donc plus sensibles) comme matériel biologique. Les analyses immunohistochimiques menées en parallèle viennent conforter cette interprétation en révélant une forte affinité des vibrions pour le tissu gonadique.
La seconde partie présente les résultats d'une expérimentation de plus long terme qui constitue le corps principal de l'étude. Le protocole présenté est destiné à décrire le déroulement de la maturation gonadique d'un lot d'huîtres diploïdes et deux lots d'huîtres triploïdes au cours d'un cycle de reproduction, et de mesurer en parallèle leur résistance à une vibriose induite expérimentalement. L'état de maturation des tissus gonadiques est qualifié par analyse histologique à quatre dates successives. A ces quatre mêmes dates, la résistance à une vibriose est évaluée à l'aide d'un protocole d'infection expérimentale standardisé consistant à suivre la mortalités des individus après leur avoir injecté un mélange de souches pathogènes de vibrions.

L'interprétation des résultats emprunte aux théories de la bio-énergétique ('Resource allocation theory'). Les résultats suggèrent une sensibilité accrue à l'infection pendant la période estivale pour tous les individus, mais sans conclure à un avantage pour les huîtres triploïdes en dépit d'un développement gonadique modéré. Hors période de développement gonadique, la survie des huîtres triploïdes semble même inférieure à celle des diploïdes, suggérant l'existence d'une sensibilité intrinsèque de ces individus compensée en été par une allocation énergétique réduite à la reproduction.

La discussion souligne l'intérêt de tester expérimentalement l'hypothèse d'une covariation temporelle entre investissement reproducteur et résistance à l'infection. Elle s'intéresse à l'opposition entre la nécessaire simplification des modèles conceptuels et expérimentaux d'une part, et la complexité des phénomènes biologiques observés d'autre part.
Les auteurs examinent les contraintes méthodologiques inhérentes à l'estimation expérimentale de la résistance à une maladie, et ce qu'elles impliquent pour l'interprétation des résultats. Les solutions qu'ils proposent en termes de protocoles de test, de traitement statistique des données et plus généralement de démarche expérimentale sont innovantes à plus d'un titre.

Analyse réalisée par : Normand J./ Ifremer