Notice

Pêche au thon autour des dispositifs de concentration de poissons (DCP) versus pêche dans les bancs libres : décision du capitaine et autres facteurs déterminants

Fishing tuna around Fish Aggregating Devices (FADs) vs free swimming schools: Skipper decision and other determining factors

Guillotreau* P., Salladarré F., Dewals P., Dagorn L.

* LEMNA, University of Nantes, IEMN-IAE, Chemin Censive du Tertre, BP 52231, 44322 Nantes Cedex 3, France ; Tél. : 02.40.14.17.46 ; Fax : 02.40.14.17.49 ; E-mail : patrice.guillotreau@univ-nantes.fr

Fisheries Research, 2011, Vol. 109 (2-3), p. 234-242 - Texte en Anglais

à commander à : l'auteur, l'éditeur ou à l'INIST


Analyse

Deux techniques principales sont utilisées par les thoniers senneurs océaniques qui pêchent le thon destiné aux conserveries : la pêche sur bancs libres (ou pêche sur mattes) et la pêche sous Dispositifs de Concentration de Poisson (DCP en français, FAD en anglais pour Fishing Aggregating Devices : sortes de radeaux de bambous munis de filets tombants et équipés de bouées électroniques pour pouvoir les suivre à la trace sur écran via la transmission par satellite).
Les DCP sont de plus en plus utilisés par la flotte thonière des senneurs océaniques en raison de rendements plus importants avec une chance de succès supérieure aux bancs libres (respectivement 90 % de coups positifs contre 50 %).

Les effets écologiques de l'usage des DCP commencent à être bien connus : poissons de plus petite taille, captures dominantes de listaos (environ 90 % des thons pêchés sous DCP), prises accessoires plus nombreuses (estimées à 5 % de la biomasse pêchée environ), risque de piège écologique (les DCP peuvent dériver vers des zones moins riches en plancton et en poissons fourrage, altérant la physiologie des poissons associés aux DCP)...

Les facteurs économiques qui poussent à utiliser les DCP sont moins connus, d'où l'intérêt de cet article qui tente de comprendre les facteurs incitant les pêcheurs à utiliser davantage de DCP, en distinguant trois groupes de facteurs :

- les facteurs environnementaux (certaines conditions de température de surface pendant une ou plusieurs années peuvent réduire le succès des calées sur mattes et encourager les pêcheurs à utiliser davantage de DCP)

- les facteurs humains : choix individuel d'un pêcheur qui préfère une technique à l'autre (la technique sur bancs libres est réputée plus difficile, mais plus rémunératrice compte tenu des prises plus importantes de gros albacore dont le prix est plus élevé que celui du listao)

- les facteurs économiques comme le prix relatif des espèces ou l'investissement des armateurs (en nombre de bouées notamment) peuvent également conduire à une utilisation plus intensive des DCP.

L'article croise plusieurs méthodes statistiques sur un jeu de données de pêche à la senne, par la flottille française dans l'océan Indien, depuis l'origine de la pêcherie (1980) jusqu'en 2007.

Les résultats montrent que c'est l'effet économique qui domine l'effet environnemental ou l'effet individuel. Cet effet ne joue pas du tout via les variations de prix relatif des espèces (variable non significative dans les modèles testés), mais via un investissement croissant des compagnies de pêche dans la détection électronique et le nombre de radeaux, voire les bateaux d'assistance dans le cas des pêcheurs espagnols.

Les conséquences sur la composition par espèces des prises sont importantes, toutes choses égales par ailleurs : un accroissement de la part (proportion) des coups de senne donnés sur DCP de 1 % augmente de 1,3 % les prises de listao en quantité et réduit de 1,7 % les captures de gros albacore pour l'ensemble de la flottille. Une politique de gestion qui viserait à agir sur les prises respectives de chaque espèce pourrait ainsi s'appuyer sur le contrôle de l'effort de pêche mesuré par le nombre de DCP autorisés.

Analyse réalisée par : Guillotreau P. / Univ. de Nantes