Notice

Intégration mondiale des marchés européens de thon

Global integration of European tuna markets

Jiménez-Toribio R., Guillotreau * P., Mongruel R.

* Université de Nantes, chemin de la Censive du Tertre, BP 52231 44322 Nantes cedex 3 ; Patrice.Guillotreau@univ-nantes.fr ; Institut d'Economie et de Management de Nantes - IAE (IEMN-IAE)

Progress In Oceanography, 2010-08, Vol. 86 (1-2), p. 166-175 - Texte en Anglais

Adresse internet : http://archimer.ifremer.fr/doc/00011/12229/9796.pdf


Analyse

Cet article examine l'intégration des marchés européens des produits thoniers aux marchés internationaux en utilisant les méthodes économétriques dites de " co-intégration ". Ces méthodes permettent de déterminer dans quelle mesure les prix observés sur différentes places de marché pour un même type de produit s'ajustent les uns par rapport aux autres à plus ou moins long terme, et éventuellement de repérer si un marché en particulier est susceptible de fournir un prix directeur pour l'ensemble des autres marchés.
Lorsque les prix ne se transmettent pas correctement entre les marchés, il est alors probable que certains opérateurs exercent un pouvoir de marché. L'étude de la transmission des prix peut être appliquée aux différents lieux de vente d'un même type de produits (transmission horizontale ou spatiale) ou aux échelons successifs d'une filière (transmission verticale du prix de la matière première vers le prix du produit transformé). Ce cadre d'analyse a été appliqué aux marchés européens du thon en tant que matière première et de la conserve de thon afin d'estimer leur degré d'intégration aux marchés internationaux et de repérer l'éventuelle présence d'imperfection de concurrence sur certains segments de marché.
Les principaux marchés européens de produits thoniers sont, en ce qui concerne le thon en tant que matière première : l'Espagne pour le listao et l'albacore, l'Italie et la France pour l'albacore. En ce qui concerne les conserves de thon, ce sont le Royaume-Uni et l'Allemagne pour la conserve de listao, l'Italie et l'Espagne pour la conserve d'albacore, et enfin la France, qui constitue un marché intermédiaire où les deux types de conserves sont consommés.
Il apparaît que les marchés de la matière première sont très intégrés au niveau mondial et influencés en premier lieu par l'albacore qui, bien que plus rare, reste l'espèce la plus prisée par les transformateurs du fait de son rendement supérieur. Cette espèce est en outre davantage demandée par les consommateurs italiens, espagnols et français. Le marché directeur se trouve probablement soit en Amérique soit en Thaïlande, mais les séries disponibles pour la zone Amérique (Porto-Rico et Équateur) étant incomplètes, il n'est pas possible de conclure.
Les marchés des produits finis sont également très intégrés mondialement pour ce qui concerne la conserve de Listao : les prix des produits originaires de Thaïlande ou des Philippines s'ajustent sur le long terme, qu'ils soient vendus aux États-Unis ou en Europe (Royaume-Uni et Allemagne). Cependant, l'intégration des marchés pour les produits finis n'est plus démontrée en ce qui concerne les marchés de la conserve d'Albacore, étudiés à partir des séries de prix de vente à la consommation en France et des importations italiennes en provenance d'Espagne.
Afin de confirmer le statut particulier de ce segment de marché, la transmission verticale des prix est alors analysée : cette analyse montre que le prix de la matière première se transmet correctement aux prix des conserves en ce qui concerne les conserves de listao importées par le Royaume-Uni et l'Allemagne mais pas au prix des conserves d'albacore consommées en France et en Italie. Sur ce segment, un pouvoir de marché pourrait donc être exercé par certains opérateurs (distributeurs et/ou transformateurs). Ce résultat demanderait cependant à être confirmé par un modèle économétrique qui intègrerait des séries de prix aux mêmes échelons de la filière.
Le risque associé à ce type d'imperfection de marché serait qu'un oligopsone d'acheteurs puisse peser sur le prix de la matière première et le maintenir à un niveau trop bas ; dans ce cas, les signaux de rareté dus à une éventuelle surpêche resteraient masqués, tandis que la tendance d'une flottille à chercher à compenser un trop faible niveau des prix par des captures plus abondantes pourrait se transmettre à de nombreuses autres zones de pêches du fait de la très forte intégration des marchés du thon matière première.

Analyse réalisée par : Mongruel R. / IFREMER