Notice

Un point à date sur les hautes pressions hydrostatiques, du laboratoire aux applications industrielles

An update on high hydrostatic pressure, from the laboratory to industrial applications

Bermudez-Aguirre * D., Barbosa-Canovas G.V.

* Center for Nonthermal Processing of Food, Washington State University, Pullman, WA 99164-6120, USA ; E-mail : daniela@wsu.edu

Food Engineering Reviews, 2011, Vol. 3 (1), p. 44-61 - Texte en Anglais

à commander à : l'auteur, l'éditeur ou à l'INIST


Analyse

L'action des hautes pressions (HP) sur les microorganismes est connue depuis 1889, mais c'est seulement dans les années 90 que les applications alimentaires d'inactivation microbienne ont pu voir le jour avec l'arrivée de nouveaux équipements. Initialement centrée sur les applications d'inactivation enzymatique, l'observation de ses effets sur les caractéristiques physiques et organoleptiques des aliments en a fait ensuite un outil de développement de produits.
Depuis les années 90, le nombre de machines installées dans le monde évolue exponentiellement et une large gamme de produits est à présent proposée dans la distribution. En 2007, 120 installations équipaient des industries agroalimentaires. Ce nombre ne cesse d'augmenter. La FDA a validé en 2009 l'application du procédé PATS (stérilisation assistée par haute pression) pour certains produits. Destinée initialement aux seuls produits à valeur ajoutée, le développement rapide de la technologie a réduit les coûts et élargi son application. L'acquisition de la machine et son installation sont les principaux investissements. Le coût moyen d'exploitation se situe entre 0,05 et 0,5 $US par litre ou kg, selon les conditions de traitement. Pour les plats cuisinés, les valeurs moyennes sont de 0,08 à 0,22 $US par kg. Le développement de la technologie devrait faire baisser les coûts.
Un des points clés du développement de la technologie est la mise au point de machines et d'équipements adaptés pour améliorer la production, en particulier en ce qui concerne la capacité et la résistance des pompes et des enceintes. Des entreprises se sont spécialisées dans leur fabrication dans plusieurs pays, les machines sont paramétrées pour obtenir les opérations souhaitées en fonction de la gamme de pression, des systèmes de chauffage ou de refroidissement, du volume de l'enceinte (35 à 320 L). La pression moyenne est de 600 MPa, mais elle peut atteindre 1400 MPa, pour des équipements de laboratoire, et les températures sont comprises entre +20 et +150°C. Les équipements sont horizontaux ou verticaux. La configuration horizontale permet de mieux contrôler la traçabilité. Pour la stérilisation, des températures de +90°C avec des pressions de 600 à 800 Mpa sont atteintes. D'une façon générale, les équipements vont de quelques litres pour les utilisations expérimentales ou pilote, à des capacités supérieures à 150 L pour une utilisation industrielle.
La première application des HP est le traitement contre les bactéries pathogènes végétatives (Listeria monocytogenes, E. coli, Salmonella, Vibrio) et autres microorganismes. Elles sont utilisées pour pasteuriser certains aliments. En recherche, des conditions variées sont encore testées, principalement athermiques (pression élevées à température ambiante, +20°C), mais aussi l'application de températures négatives (saumon, 200 MPa à -10 à -18 °C) ou sous forme de pulse. Les micro-organismes résistants nécessitent l'association d'un traitement thermique d'inactivation.
La composition du milieu de traitement reste importante : les effets diminuent dans les milieux trop complexes. Des synergies sont aussi recherchées avec d'autres facteurs de conservation : CO2, antimicrobiens naturels (nisine), additifs et ingrédients alimentaires (acide citrique, tanins, wasabi). Concernant les spores, qui sont très résistantes, des pressions de 1 200 à 1 500 MPa permettent d'atteindre une réduction décimale de 1,5 log. L'application par pulse (690-1 700 MPa, 60-90°C) a été testée sur des produits faiblement acides, et se montre assez efficace. Les virus sont plus fragiles du fait de leur structure cellulaire.
D'une façon générale, les micro-organismes peuvent être inactivés par hautes pressions, mais il reste à choisir les conditions spécifiques au cas par cas (pression, température, temps), en fonction de la composition des aliments (sel, teneur en gras, présence d'ions calcium).
Les spores sont résistantes aux hautes pressions. Les essais d'abord réalisés avec Clostridium sporogenes, le sont maintenant avec Bacillus amyloliquefaciens. D'une façon générale, il faut combiner hautes pressions (600 à 800 MPa) et température (+60 à +90 °C) sur un temps court ; des durées plus importantes ne seront pas économiquement bénéfiques. Comparée aux traitements thermiques conventionnels, la PATS permet de conserver les caractéristiques de fraîcheur du produit (flaveur, texture, composés).
Le traitement se décompose en 6 étapes (emballage, préchauffage, équilibration thermique, pressurisation et montée en température par compression adiabatique, décompression, et refroidissement), dont il faut contrôler tous les paramètres. L'étape de compression provoque une élévation de température variable, selon la composition des produits. Dans ce domaine, les recherches portent également sur l'adaptation de la modélisation mathématique des cinétiques d'inactivation aux éléments observés.
Les recherches doivent également répondre à un autre défi : la mise au point d'emballages assez résistants pour stabiliser les produits sur une longue durée. Le comportement des matières plastiques (résistance physique, résistance des soudures, propriétés barrière, migrations), est très étudié. Pour certaines matières plastiques, des migrations (alcanes, benzène, composés aromatiques des produits) ont été constatées. Le développement de matériaux adaptés est essentiel pour le développement de la technologie des HP.
Des applications sont testées, puis développées dans plusieurs filières (fruits, légumes, produits laitiers, céréales, produits carnés, boissons, produits de la mer...). Pour chaque filière, les effets d'inactivation microbienne et d'amélioration de la qualité sont recherchés et sont pris en compte dans le développement de nouveaux produits.
Dans le cas des produits de la mer, des essais réalisés sur la chair de saumon frais ont permis d'obtenir l'inactivation de Listeria monocytogenes et de Salmonella (150 MPa, 30 min).
Combinées avec le fumage à froid, les hautes pressions permettent d'inactiver les enzymes et les micro-organismes du saumon fumé tout en préservant les qualités. Elles ont également montré leur efficacité à inactiver les larves d'Anisakis des poissons destinés à être consommés en carpaccio ou marinés (maquereaux à 300 MPa, 5 min).
Du côté des modifications physico-chimiques, les applications testées ont amélioré la durée de conservation des produits en réduisant l'activité enzymatique et en stabilisant certains composés (pigments, lipides), mais dans certains cas, elles provoquent des altérations comme la décoloration (saumon à 200 MPa). Pour les poissons, dont la dégradation de texture post-mortem intervient rapidement du fait de l'activité enzymatique, la recherche d'une application HP est souhaitée.
Dans le cas des fruits de mer, l'application des HP a eu des résultats positifs sur l'inactivation des bactéries pathogènes comme Vibrio, Salmonella, Clostridium, et certaines toxines, ainsi que sur l'amélioration de la flaveur. Cette technologie permet l'ouverture des coquillages bivalves et la libération de la chair. Cette application est déjà exploitée dans certaines entreprises aux États-Unis et représente une niche intéressante sur le plan économique.
Analyse réalisée par : Chéret R. / CTCPA