Notice

" Ne pas manger de poisson plus de deux fois par semaine ". Régulation basée sur les choix rationnels et communication des risques : transfert d'incertitudes de l'évaluation des risques au public

" Do not eat fish more than twice a week ". Rational choice regulation and risk communication: Uncertainty transfer from risk assessment to public

Blanchemanche * S., Marette S., Roosen J., Verger P.

* INRA, Mét@Risk - Méthodologies d'Analyse des Risques Alimentaires, 16 rue Claude Bernard, 75231 Paris ; Tél : 01.44.08.86.12 ; E-mail : sandrine.blanchemanche@agroparistech.fr

Health Risk and Society, 2010, Vol. 12 (3), p. 271-292 - Texte en Anglais

à commander à : l'auteur, l'éditeur ou à l'INIST


Résumé

Les pouvoirs publics essayent d'influencer le comportement des consommateurs par l'émission de conseils. Cette approche réglementaire officielle repose sur une théorie : les individus ayant une connaissance imparfaite du risque alimentaire ne sont pas en mesure de prendre des décisions rationnelles, mais une information appropriée des dangers peut modifier leur attitude vis-à-vis de leur alimentation. Toutefois une question demeure : un outil réglementaire basé sur la théorie du choix rationnel peut-il être efficace pour réduire des risques liés aux comportements alimentaires ? C'est le sujet de cette étude, réalisée sur une population restreinte.
Les auteurs ont effectué une campagne de communication préventive sur les risques liés à une consommation de poisson supérieure à deux fois par semaine, puis analysé son impact. Les recommandations visent à prévenir les risques d'exposition au méthylmercure tout en conservant les avantages nutritionnels associés au poisson. La complexité du message tient au fait que les recommandations alimentaires tiennent compte de plusieurs facteurs (tailles et espèces de poisson consommées, provenance, fréquence de consommation...).
L'expérimentation s'est déroulée sur 5 mois (de mai à septembre) et a été conduite auprès de 201 ménages (803 individus) à Nantes (ville à forte consommation de poisson). Les premières données de consommation de poisson ont été recueillies au bout d'un mois. A ce moment là, un message d'information portant sur les risques encourus et les fréquences de consommation à respecter pour les éviter, a été dispensé à la moitié des ménages, l'autre moitié ayant servi de " témoin ". Les données de consommation ont ensuite été relevées en juin, août et septembre.
5 mois après la diffusion des recommandations, la fréquence de consommation dépasse toujours les recommandations de 2 fois par semaine (2,8 fois/semaine dans le groupe sensibilisé, pour une moyenne de 3,2 avant la campagne) ; seulement 16 % des ménages ont changé leurs habitudes de consommation.
Plusieurs raisons expliquent le fait que les participants ne changent pas leurs habitudes : l'information est complexe sur certains points (espèce, quantité acceptable), donc difficile à mémoriser. Et l'influence d'une perception positive du poisson est bien ancrée (aspect bénéfique : peu gras, bon pour la santé, pour la mémoire, risque réduit de maladies cardiovasculaires). Les consommateurs préfèrent le statu quo plutôt que de modifier leurs habitudes suite à une information qui leur semble empreinte d'incertitudes sur les risques (mais non sur les bénéfices). D'après la littérature scientifique, les avis de santé n'ont qu'un effet mineur et temporaire sur le comportement des consommateurs. La perception du risque pour les experts (connaissance, probabilité) est différente de celle de la population (ressenti, données difficilement quantifiables).