Notice

Huile de poisson - D'un produit répugnant et mauvais à une denrée bonne et précieuse

Fish oil - from the bad and the ugly to the precious and good

Bockisch M.

Am Osterberg 11, D-21266 Jesteburg, Germany ; E-mail : mb@bockisch-consult.eu

European Journal of Lipid Science and Technology, 2010, Vol. 112 (9), p. 948-960 - Texte en Anglais

à commander à : l'auteur, l'éditeur ou à l'INIST


Analyse

Cet article retrace l'historique des huiles de poisson (HuilP), et apporte des éléments sur leur production actuelle, les techniques d'obtention, leur composition, leur rôle dans le corps humain, leur consommation, leur impact sur la santé et l'offre disponible. Parmi les informations fournies, peuvent être relevés les points suivants :
Rapide historique
L'HuilP est depuis longtemps un nutriment de base pour de nombreux habitants de l'hémisphère Nord. Lorsque les navires ont commencé à parcourir les océans quelles que soit les conditions météorologiques, l'HuilP (souvent hydrogénée) est devenue un produit bon marché de substitution des huiles végétales. Elle servait également de combustible sur les bateaux en remplacement du diesel (ce qui peut être encore le cas aujourd'hui). Ensuite, l'HuilP (native, souvent de foie) était principalement absorbée pour sa teneur en vitamines, sa qualité sensorielle ne répondait pas aux attentes des consommateurs. A présent, elle peut être consommée directement, via les poissons gras ou sous forme de compléments alimentaires, d'aliments enrichis... Grâce à sa nouvelle notoriété, ses utilisations ne cessent de croître.
Production mondiale
Après une croissance jusque dans les années 90, où la production d'HuilP atteignait 1,5 millions de tonnes, une forte chute a été observée (moins de 500 000 t en 2005). Cette tendance a significativement affecté les prix, qui ont été multiplié par 5 en moins de 50 ans avec de forte variation annuelle (800 $ US la tonne en moyenne en 2008/2009).
Techniques d'obtention
Des schémas type de production d'huile brute et du raffinage sont présentés. Plus d'informations sur ces aspects peuvent être trouvées dans les fiches de synthèse mises à disposition sur Bibliomer (http://www.bibliomer.com/index.php?nav=fiches).
Composition en acides gras
L'HuilP est souvent riche en acides gras (AG) poly-insaturés à longue chaîne dont les oméga 3 (EPA & DHA). Leur teneur dépend de l'espèce, de son alimentation... Ainsi les concentrations en EPA & DHA peuvent varier de 10 à plus de 50 % des acides gras totaux d'une HuilP.
Derrière les termes oméga 3 et HuilP, des compositions très différentes sont retrouvées. Il est important de bien renseigner les consommateurs sur ces notions, et sur les différences entre oméga 3 marins (EPA & DHA) et végétaux (ALA), afin qu'ils puissent faire un choix en toute connaissance.
Il aurait été intéressant d'aborder la qualité des huiles en fonction de leur état oxydatif.
Les oméga 3 chez l'homme
Au moins 20 % des AG du cerveau humain sont composés de DHA. Il y reste stocké et n'est libéré qu'en cas de grossesse afin de fournir au fœtus, via le placenta, un apport journalier d'environ 50 à 60 mg de DHA. De même, les AG de la tête du spermatozoïde de l'homme sont à 20 % du DHA. Ces deux exemples montrent le rôle prépondérant des oméga 3 dans les fonctions vitales de l'organisme.
L'huile de poisson dans l'alimentation
La biosynthèse d'EAP & DHA chez l'homme est faible et lente. Elle est, de plus, concurrencée par celle des oméga 6. Il est donc important que ces oméga 3 soient apportés par l'alimentation.
La consommation de poisson est très différente de part le monde (de moins de 5 kg en Bulgarie à plus de 70 kg au Japon par exemple). Dans les pays occidentaux, avec les changements des habitudes alimentaires, la balance entre oméga 6 et oméga 3 s'est clairement déréglée en faveur des oméga 6. Une diminution drastique des teneurs en oméga 3 dans les tissus des consommateurs américains est ainsi observée depuis 90 ans. Les apports en EPA & DHA de nombreux consommateurs sont trop faibles. Il est donc important de recommander d'augmenter la consommation de poissons gras (et non la consommation de poissons en général).
Les oméga 3 marins et la santé
Les sciences médicale et nutritionnelle ont permis d'établir une relation étroite entre la santé et les oméga 3 marins (EPA et DHA) contenus dans les HuilP. Les premières découvertes ont eu lieu à partir d'observations sur les Inuits du Groenland, et ont établi un lien entre les oméga 3 marins et la prévention des maladies cardiovasculaires.
Des recherches récentes ont élargi le champ d'application des oméga 3 marins et mettent en évidence le grand potentiel de ces acides gras pour améliorer la santé individuelle et publique. D'importants travaux sont en cours sur différents effets sur la santé. Même si seule une partie des effets supposés était prouvée, les impacts pourront être considérables sur de nombreuses maladies.
L'offre en huile de poisson est-elle suffisante ?
D'après les calculs réalisés selon les recommandations de consommation, la production actuelle couvrirait les besoins de la population mondiale, si la durabilité des pêcheries pélagiques était assurée et si les utilisations de l'HuilP étaient plus ciblées vers l'alimentation humaine.
Deux alternatives aux HuilP pourraient être envisagées : la production d'algues et le recours à des plantes OGM riches en EPA et DHA pour nourrir les poissons d'élevage et ne pas appauvrir leur teneur en oméga 3 (comme avec les substitutions végétales classiques). Pour l'auteur, afin de ne pas exercer trop de pression sur la ressource sauvage, ni de réduire les teneurs en EPA et DHA dans les poissons d'élevage, la piste incluant les plantes OGM ne devrait pas être écartée. Il lui paraît en effet préférable de consommer des poissons d'élevage étant donné que leur indice de conversion alimentaire (FCR) est plus favorable que celui des poissons sauvages. Cet argument serait à pondérer par l'impact de l'aquaculture sur les écosystèmes marins et les poissons sauvages...
Analyse réalisée par : Kolypczuk L. / IFREMER