Notice

Occurrence et rôle des bactéries lactiques dans les produits de la mer

Occurrence and role of lactic acid bacteria in seafood products

Leroi Françoise

Ifremer, Laboratoire de Science et Technologie de la Biomasse Marine, Ifremer, Rue de l'Ile d'Yeu, BP 21105, 44311 Nantes Cedex 03, France ; Tel.: +33.2.40.37.41.72 ; Fax: +33.2.40.37.40.71 ; E-mail : fleroi@ifremer.fr

Food Microbiology, 2010, Vol. 27 (6), p. 698-709 - Texte en Anglais

Adresse internet : http://archimer.ifremer.fr/doc/00006/11750/8447.pdf


Analyse

L'étude des bactéries lactiques dans les produits de la mer est relativement récente car les caractéristiques de la chair de poisson (pH post-mortem élevé, faible concentration en sucre, forte concentration en molécules azotées de faible poids moléculaire et basses températures dans les mers tempérées) favorisent plutôt la croissance de bactéries marines à Gram négatif comme les Pseudomonas, Shewanella spp. et Photobacterium spp.
Dans les produits frais conservés sous vide ou sous atmosphère modifiée enrichie en CO2, la croissance des bactéries lactiques est favorisée, d'autant plus que certains germes comme les Pseudomonas sont inhibés. Cependant, leur nombre reste quand même en général plus faible que celui des Shewanella et des Photobacterium, qui sont capables d'utiliser une molécule typiquement marine, l'oxyde de triméthylamine (TMA-O) pour leur respiration anaérobie et la transformer en triméthylamine (TMA) responsable des fortes odeurs putrides du poisson altéré. Ces bactéries sont également capables de produire de l'H2S, très malodorant. Ceci explique pourquoi la conservation sous vide ou sous atmosphère modifiée ne permet pas une aussi longue extension de la conservation des produits de la mer que celle des produits carnés.
Dans les produits légèrement transformés comme les poissons fumés, marinés, les crevettes cuites décortiquées..., les différentes étapes du procédé, notamment le séchage et l'ajout de sel (typiquement, 6 % en phase aqueuse) diminuent l'activité de l'eau et ralentissent le développement des bactéries aérobies à Gram négatif, tout en favorisant celui des bactéries lactiques qui deviennent souvent majoritaires. Avec l'engouement pour les produits prêts à consommer et le développement d'outils plus performants pour étudier les bactéries lactiques marines (milieux et conditions de cultures adaptées, biologie moléculaire), les études se sont intensifiées. Elles montrent que de nombreuses espèces peuvent être présentes (Lactobacillus, Lactococcus, Leuconostoc, Carnobacterium, Enterococcus...).
Dans certains cas, les bactéries lactiques n'ont aucune incidence sur la qualité du produit, ce qui explique pourquoi des produits ayant une flore totale très élevée, constituée en fait de bactéries lactiques, ne présentent pas pour autant de signes d'altération ni de danger pour le consommateur. Dans d'autres cas, dépendants de l'interaction entre les espèces présentes mais aussi des souches, ces bactéries peuvent être responsables d'odeurs désagréables, H2S, acide, beurre... Certaines souches ont au contraire un effet bioprotecteur, permettant d'empêcher le développement de bactéries pathogènes comme Listeria monocytogenes ou celui de flores d'altération. L'inhibition peut être due à la production de bactériocines, à une légère acidification, à une compétition nutritionnelle ou à des mécanismes encore non identifiés.
Des recherches prometteuses sont menées sur ce sujet. Des souches de Carnobacterium divergens et C. maltaromaticum à activité anti Listeria ou de Lactococcus piscium et Leuconostoc gelidum qui retardent l'altération des crevettes cuites emballées sous atmosphère modifiée et du saumon fumé, ont été sélectionnées et, réimplantées dans le produit. Elles donnent de très bon résultats sans changer la flaveur très délicate de ces produits. Une application commerciale sur des crevettes cuites décortiquées et sur des noix de Saint-Jacques est développée en France. Des recherches sur l'application de bactéries lactiques comme probiotiques pour le poisson vivant commencent à voir le jour. Enfin, quelques exemples d'utilisation de bactéries lactiques pour la fermentation de produits de la mer, la désaromatisation, l'ensilage ou la valorisation des coproduits, sont décrits.
Analyse réalisée par : Leroi F. / IFREMER