Notice

La gélatine de poisson : une matière renouvelable pour développer des films actifs biodégradables

Fish gelatin: a renewable material for developing active biodegradable films

Gómez-Guillén* M.C., Pérez-Mateos M., Gómez-Estaca J., López-Caballero E., Giménez B., Montero P.

* Instituto del Frio (CSIC), C/José Antonio Novais 10, 28040 Madrid, Spain ; E-mail: cgomez@if.csic.es

Trends in Food Science and Technology, 2009, Vol. 20 (1), p. 3-16 - Texte en Anglais

à commander à : l'éditeur ou à l'INIST


Analyse

De nombreux films utilisés pour préserver les produits alimentaires sont issus de matériau plastique. Pour des raisons environnementales, un intérêt particulier s'est développé pour des emballages biodégradables. Ces nouveaux films sont obtenus à partir de bio polymères non polluants comme peuvent l'être les produits issus de la pétrochimie, et issus d'une ressource renouvelable. Des études récentes ont permis de montrer qu'il était possible d'améliorer la fonctionnalité de ces nouveaux produits par ajout de substances naturelles, anti-oxydantes ou antimicrobiennes, pour proposer des emballages actifs. La gélatine est l'un des premiers matériaux à avoir été utilisé pour la fabrication de films bio actifs.
Les propriétés physiques des films de gélatine dépendent des propriétés du matériel dont elle est issue, de l'espèce animale, du procédé de fabrication de la gélatine et des paramètres de production des films eux-mêmes (température et durée de séchage). Elles dépendent également de la formulation des ingrédients tels que les liants et les plastifiants (sorbitol, glycérol).
Les films peuvent être obtenus soit par coulage, soit par extrusion. Le coulage implique de dissoudre le polymère et de le mélanger avec des plastifiants et/ou autres additifs pour obtenir une solution permettant le dépôt d'un film sur une plaque, puis une évaporation du solvant. L'extrusion d'un film est suivi d'un pressage à chaud à des températures supérieures à 80°C. Ce procédé peut affecter les propriétés du film mais a l'avantage d'être un procédé continu et contrôlable en ligne.
Les études sur les films de gélatine de poisson sont récentes et ont montré de bonnes potentialités en termes de transparence, de solubilité dans l'eau et d'extensibilité. La forte nature hygroscopique de la gélatine est son point faible pour l'utilisation des films. Les travaux actuels sont essentiellement axés sur cette problématique de résistance à l'eau.
La gélatine de poisson
La gélatine est une protéine obtenue par hydrolyse du collagène contenu dans les arêtes et la peau. La source, l'âge de l'animal, le type de collagène et la technique d'extraction sont des facteurs influents sur les propriétés et les caractéristiques des gélatines.
Deux types de gélatine sont obtenues. Elles sont commercialement connues sous des appellations de type gélatine A (obtenue par un pré traitement en milieu acide) et gélatine B (obtenue par un pré traitement en milieu alcalin).
Les procédés d'extraction ont été optimisés pour améliorer les propriétés rhéologiques des produits et le rendement. Ces optimisations ont porté sur la nature des acides organiques pour le pré traitement et des sels utilisés pour le lavage des peaux, sur l'utilisation de procédés tel que les hautes pressions, sur la digestion enzymatique des solutions, et sur le mode de conservation des peaux avant transformation.
Les propriétés physiques des gélatines dépendent principalement de deux facteurs : la composition en acides aminés et la distribution en poids moléculaires. Les gélatines d'origine marine et principalement celles provenant d'espèces de poissons vivant dans des eaux froides telles que le cabillaud, le saumon ou le lieu d'Alaska, ont des propriétés rhéologiques faibles comparées à celles fabriquées à partir de mammifères terrestres et de poissons d'eaux chaudes (sole, tilapia, carpe). Ceci est attribué à la présence en quantité plus faible de liaisons Pro-Hyp (proline-hydroxyproline) pour les espèces d'eaux froides.
Les films à base de gélatine de poisson
Les données de la littérature sont difficilement comparables, du fait de la diversité des types de plastifiants, de concentration en gélatine, et des méthodes de mesures utilisées dans les différentes études. Cependant, il semblerait que les films de gélatine d'animaux terrestres soient plus solides que les films de gélatine de poisson, qualifiés de plus déformables.
Influence des caractéristiques de la gélatine sur les propriétés des films
La distribution en poids moléculaire et la composition en acides aminés sont les principaux facteurs qui influent sur la structure et les propriétés de la gélatine, et par conséquence, sur les propriétés rhéologiques et de barrière des films. Les propriétés de ces derniers sont également très liées à la nature et à la quantité des plastifiants tels que le glycérol ou le sorbitol. La résistance à l'étirement des films de gélatine de poisson diminue lorsque la concentration en glycérol ou sorbitol augmente.
Mélange de gélatine avec d'autres bio polymères
Les propriétés des films peuvent être améliorées par l'utilisation de différents bio polymères : protéines, lipides, polysaccharides. Les films composites contenant de la gélatine et des isolats de protéines de soja présentent à la fois les propriétés des films de gélatine (déformation) et celles des films de soja (faible perméabilité à la vapeur). Le caractère hydrophile des films de gélatine peut être pénalisant dans certaines applications. C'est pourquoi il est intéressant de développer des mélanges faisant intervenir des huiles ou des cires, afin d'augmenter le nombre de groupements hydrophobes du produit, et de fait, diminuer sa perméabilité à la vapeur et sa solubilité . Il existe deux méthodes pour ajouter de l'huile dans la composition d'un film : par émulsification de la solution filmogène ou en produisant un film double couche.
Les films de gélatine ont aussi été préparés par mélange avec des polysaccharides tels que carraghénane, pectine ou chitosan. Les analyses montrent une réelle interaction entre les molécules de gélatine et les polysaccharides.
L'utilisation d'inducteurs de liaisons chimiques tels que la transglutaminase a été également été citée dans la production de films de gélatine. Son utilisation modifie la résistance des films à l'élongation et leur perméabilité à l'oxygène. Les modifications induites respectivement par le 1-éthyl-3-(3 diméthylaminopropyl) carbodiimide et la transglutaminase entraînent une diminution de la solubilité des gels de gélatine dans l'eau.
Mélange de gélatine de poisson avec des composés antimicrobiens ou antioxydants
Des huiles essentielles ont été introduites dans les films de gélatine afin d'améliorer leur propriété antimicrobienne. Un film de gélatine de poisson chat commercialisé, dans lequel du chitosan et de l'huile essentielle de clou de girofle ont été introduits, montre des propriétés antimicrobiennes sur des bactéries telles que Pseudomonas fluorescens, Lactobacillus acidophilus, Listeria innocua et Escherichia coli, in vitro.
Des films comestibles produits à partir de gélatine de peaux de poissons d'eau froide additionnés de lysozyme montrent une légère augmentation de la perméabilité à la vapeur et une action significative sur les bactéries Gram positive telles que Bacillus subtilis et Streptococcus cremoris.
Il est également possible d'incorporer dans un film de gélatine des antioxydants tels que des polyphénols issus d'extraits végétaux. De tels films se sont montrés efficaces pour la conservation de sardines fumées. D'autres antioxydants comme la vitamine C ou la vitamine E peuvent être utilisés.
Conclusion
Les propriétés des films de gélatine de poisson sont très dépendantes de l'origine de la gélatine et de son mode de production ; des qualités différentes sont notables entre les produits issus d'espèces d'eau froide et d'espèces d'eau chaude. Ces différences reposent principalement sur la composition en acides aminés.
Les propriétés rhéologiques, de barrière et de résistance à l'eau des films peuvent être améliorées par l'addition de nombreux composés : protéines (isolat de protéines de soja), huiles (huile de tournesol, acides gras, huiles essentielles), polysaccharides (kappa-carraghenanne, pectine, chitosan), inducteurs de liaisons (transglutaminase, glutaraldehyde). De plus, l'ajout de composés actifs (chitosan, huile essentielle de clou de girofle, lysozyme, extraits aqueux de Murta...) peut conférer aux films des propriétés antimicrobiennes/ antioxydantes permettant la mise en place d'emballage bio actifs.
Analyse réalisée par : Chopin C. / IFREMER