Notice

Pratiques aquacoles et risques potentiels pour la santé humaine : état actuel des connaissances et priorités futures

Aquaculture practices and potential human health risks: Current knowledge and future priorities

Sapkota Amir*, Sapkota Amy R., Kucharski Margaret, Burke Janelle, McKenzie Shawn, Walker Polly, Lawrence Robert

* Maryland Institute for Applied Environmental Health, University of Maryland College Park School of Public Health, 2310 HHP Building, College Park, MD 20742, United States ; Tél.: +1 301 405 8716; fax: +1 301 405 8397 ; E-mail : amirsap@umd.edu

Environment International, 2008, Vol. 34 (8), p. 1215-1226 - Texte en Anglais

à commander à : l'éditeur ou à l'INIST


Analyse

La production aquacole annuelle globale a triplé durant les 15 dernières années, et les prévisions indiquent qu'elle devrait représenter 39 % de la production totale de produits de la mer en poids en 2015 (avec plus de 170 millions de tonnes par an). La Chine est le 1er producteur mondial avec 70 % de la production totale de produits aquacoles. Elle est suivie par l'Inde (4,2 %), les Philippines (2,6 %), le Japon (2,4 %), l'Indonésie (2,2 %), la Thaïlande (1,9 %), le Vietnam (1,8 %)... L'aquaculture mondiale est très fortement dominée par les pays asiatiques (la Norvège n'est qu'en 11ème position avec 1,1 % de la production mondiale).
Cette synthèse sur les risques potentiels pour la santé humaine indique que les pratiques aquacoles actuelles (essentiellement intensives et dans les pays asiatiques) peuvent mener à augmenter les teneurs en résidus d'antibiotiques, en bactéries résistantes aux antibiotiques, en polluants organiques persistants, en métaux, en parasites et en virus dans les poissons et coquillages issus de l'aquaculture.
L'utilisation des antibiotiques en aquaculture est prophylactique et thérapeutique. Les antibiotiques les plus courants sont : l'oxytétracycline, le chloramphénicol et l'acide oxolinique. Un tableau liste les 26 principaux antibiotiques potentiellement utilisés en aquaculture intensive. Aucune donnée quantitative n'est disponible. Les problèmes liés à la collecte des données sont dus au fait que les noms commerciaux changent d'un pays à l'autre, que les ingrédients actifs ne sont pas forcément listés, et au manque de formation du personnel, notamment sur les quantités administrées par rapport aux doses préconisées (non définies d'ailleurs pour toutes les espèces).
Deux problèmes pour la santé humaine découlent de l'utilisation des antibiotiques en aquaculture :
- L'apparition de bactéries résistantes aux antibiotiques.
Le rapport de l'AFSSA de janvier 2006 sur les " Usages vétérinaires des antibiotiques, résistance bactérienne et conséquences pour la santé humaine " <(http://www.afssa.fr/Documents/SANT-Sy-ABR.pdf)> indique que la résistance aux antimicrobiens est affichée au niveau européen comme une préoccupation majeure en terme de santé animale et de santé publique. En effet, les antibiotiques utilisés chez l'homme et chez les animaux sont les mêmes à quelques exceptions près. De nombreux arguments attestent de la réalité de la diffusion de bactéries résistantes aux antibiotiques entre l'animal et l'homme.
Ce rapport émet quelques recommandations dont les objectifs sont d'améliorer les informations et données disponibles (par rapport aux usages et à la résistance bactérienne), ainsi que les modalités de production.
- La présence de résidus d'antibiotiques dans les produits aquacoles, les sédiments, les poissons sauvages et l'environnement aquatique en général.
L'effet d'exposition chronique à de faibles doses de résidus d'antibiotiques sur la santé humaine n'est pas connu.
L'utilisation volontaire ou non d'eaux usées et d'excréments dans les fermes aquacoles peut être une autre problématique. Ces pratiques augmentent très significativement le nombre de bactéries et de virus se retrouvant ensuite dans les produits, et concentrent les métaux et les polluants organiques persistants. Il existe un rapport de l'OMS sur ce sujet, disponible à l'adresse suivante :

La présence de métaux est un autre risque envisagé. Certaines études ont en effet montré que, pour certains polluants et certaines espèces, les concentrations en métaux trouvées dans les poissons d'aquaculture étaient supérieures à celles trouvées dans les espèces sauvages sur un même lieu géographique (cas relevés sur l'arsenic et le mercure). Ceci est du notamment à la concentration de ces métaux dans les aliments. Les mêmes effets semblent être observés sur les polluants organiques persistants comme les PCB par exemple. De plus, des pesticides et des désinfectants peuvent être appliqués très largement dans certaines fermes aquacoles.
D'autre part, 35 espèces de poissons ont été génétiquement modifiées : saumon atlantique, tilapia, truite arc-en-ciel... Les transgènes introduits dans leur génome résultent en l'expression de protéines comme les hormones de croissance, les protéines anti-gel, les lactoferrines... Aucun poisson génétiquement modifié n'est autorisé actuellement, mais une demande de mise sur le marché est en cours d'examen à la FDA pour du saumon atlantique génétiquement modifié. La question du potentiel allergique ou toxique du transgène peut se poser.
Même si des groupes d'étude ont été mis en place pour évaluer les problèmes de sécurité sanitaires des produits de l'aquaculture intensive, de nombreuses données sont manquantes pour évaluer le risque :
- Les types et quantités de contaminants biologiques et chimiques présents dans les systèmes aquacoles ne sont pas complètement connus,
- Les pratiques sont très différentes d'un pays à l'autre,
- Très peu de données proviennent des pays en voie de développement or ce sont les principaux producteurs.
Des recherches additionnelles sont nécessaires non seulement pour comprendre complètement les risques pour la santé humaine associés aux poissons d'élevage par rapport aux poissons sauvages, mais aussi pour développer des interventions appropriées qui pourraient réduire ou prévenir ces risques.
Deux notices Bibliomer complètent cette publication sur l'usage d'antibiotiques en aquaculture : la notice n°2007-3940 et la notice n°2006-3503 concernant le rapport FAO sur l'utilisation responsable des antibiotiques en aquaculture. Dans ce rapport, des recommandations sont formulées et des alternatives à l'utilisation d'anti-microbiens sont présentées : développement de vaccins, utilisation de flores intestinales compétitrices, de peptides anti-microbiens issus de produits de la mer ou de composés végétaux à activité anti-microbienne... La récupération des excédents et rejets d'antibiotiques dans l'environnement par adsorption sur charbon actif peut aussi être envisagée.
Analyse réalisée par : Kolypczuk L. / Ifremer