Notice

Développer des produits de la mer fonctionnels

Developing functional seafood products

Careche M.*, Saura-Calixto F., Díaz-Rubio M.E., Borderías A.J., Sánchez-Alonso I., Sánchez-González I., Carmona P., Luten J.B., Schelvis R., Schram E., Kole A., Scholten O.E., Toonen M.A.J., Gormley T.R., Oehlenschläger J., Mierke-Klemeyer S., Elvevoll E.

* Instituto del Fr?o (CSIC), José Antonio Novais 10 28040 Madrid, Spain : E-mail : mcareche@if.csic.es

Improving seafood products for the consumer, 2008, p. 331-362 - Texte en Anglais


Analyse

4 - Produits de la mer : de la source au produit mis en marché
4 - 4 Consumerproducts
L'objectif des travaux menés dans le cadre du projet CONSUMERPRODUCTS était de développer des produits de la mer fonctionnels, faciles à préparer et répondant aux besoins des groupes de consommateurs à travers deux tendances fortes : d'une part, l'intérêt pour l'amélioration de la santé par l'alimentation ; d'autre part, la demande croissante d'aliments pratiques et faciles à manger et de plats tout-prêts à base de poisson. L'un des volets du projet a donc consisté à examiner la possibilité d'utiliser des poissons issus de la pêche pour fabriquer des produits de la mer fonctionnels et faciles à préparer. Les filets de poisson, les morceaux de filets, le poisson haché ou le surimi peuvent ainsi servir d'excellents supports pour l'incorporation d'ingrédients fonctionnels.
Cependant, de plus en plus d'espèces étant surexploitées, une autre possibilité a été étudiée : la production de poissons d'élevage, ayant l'avantage de pouvoir fournir des matières premières " sur-mesure ". En effet, les facteurs déterminant la composition des parties comestibles du poisson peuvent être maîtrisés, même si peu d'exemples de production de poisson " sur-mesure " existent actuellement. Ces deux approches sont en principe complémentaires, dans la mesure où certains ingrédients fonctionnels peuvent être intégrés dans le régime alimentaire des poissons, tandis que d'autres ne peuvent être incorporés que dans les produits restructurés (les fibres alimentaires, par exemple).
Les études consommateurs, menées tout au long du projet, ont permis de définir des segments de consommateurs potentiellement intéressés par les aliments fonctionnels. Cependant, l'acceptation de ces ingrédients dépend de facteurs tels que le caractère plus ou moins naturel perçu par le consommateur, ou la facilité de préparation du produit. Les ingrédients fonctionnels examinés dans ce projet sont les fibres alimentaires, la taurine, le sélénium et les fibres antioxydantes. Les régimes riches en fibres ont montré leurs effets bénéfiques sur la fonction gastro-intestinale, la prévention des maladies cardiovasculaires et certains types de cancer. La taurine, naturellement présente dans le poisson, est un ingrédient utilisé pour ses effets bénéfiques sur la santé cardiovasculaire. Les fibres antioxydantes et le sélénium, encore non disponibles sur le marché, ont été produits dans le cadre du projet. L'article détaille le mode de production, les propriétés et la composition des fibres antioxydantes (notamment extraites de raisin ou de l'algue Fucus vesiculosus) et de l'ail enrichi en sélénium (sélectionné pour ses propriétés anti cancéreuses).
Deux scénarios différents ont été examinés :
- ajout de taurine, de fibres alimentaires ou de fibres antioxydantes à des filets ou des muscles restructurés issus de poissons pêchés ;
- incorporation de sélénium dans l'alimentation de poissons d'élevage.
Le premier scénario fait intervenir les produits de la mer restructurés : préparés à partir de muscles hachés, avec ou sans ingrédients ajoutés, ils sont reformés de façon à leur donner une nouvelle apparence et une nouvelle texture. La restructuration des muscles de poisson permet d'utiliser des espèces sous-exploitées ou des coproduits d'espèces plus nobles, et le fait que le muscle soit déstructuré à différents niveaux d'intégrité et ensuite reformé est une excellente opportunité pour y inclure certains ingrédients fonctionnels, ce qui ne serait pas possible autrement (notamment dans le cas des fibres). La plupart des fibres sont solubles et ont été sélectionnées pour leurs propriétés technologiques. Les fibres insolubles ont fait l'objet de très peu d'études dans les produits de la mer, et aucune n'existait sur l'utilisation de fibres antioxydantes.
C'est pourquoi le projet a inclus des études sur les caractéristiques technologiques des formulations à base de ces ingrédients, et sur leurs interactions avec la matrice utilisée. Une fibre alimentaire extraite de levure a été incorporée dans différentes formulations : chair hachée de merlu (poisson maigre), de chinchard (poisson semi-gras) ou de saumon (poisson gras), gels de surimi de colin d'Alaska et de calamar géant. Ces matrices couvrent l'utilisation de différents types de produits de la mer restructurés (gels de surimi, produits non gélifiés), d'espèces sous-exploitées (chinchard, calamar géant), de coproduits d'espèces à haute valeur (merlu haché), de muscle de poisson et de surimi (saumon, colin d'Alaska). Une fibre antioxydante extraite de raisin a été testée dans des produits restructurés à base de chinchard. Les différentes recettes ont été optimisées de manière à être acceptables en termes de texture et de goût.
En revanche, des études précédentes sur les fibres antioxydantes extraites d'algue Fucus vesiculosus avaient montré qu'elles donnaient aux produits une couleur vert foncé et un goût prononcé. En ce qui concerne les gels de surimi additionnés de fibres alimentaires, les modifications de leur structure ont été étudiées par spectroscopie Raman et par tests de texture et d'élasticité.
L'ajout de taurine a été testé sur des portions de thon, de façon à créer des produits attractifs riches en taurine. D'autre part, des espèces de poisson sous-exploitées mais intéressantes sur le plan sensoriel, nutritionnel et technologique (haute teneur en protéines et bonne capacité de rétention de l'eau) ont été recherchées. Les espèces sélectionnées pour être étudiées de manière plus approfondie étaient : la grande argentine (Argentina silus), le loup denticulé (Anarhichas denticulatus) et la morue polaire (Boreogadus saida).
L'autre volet de ce projet est la production de poissons " fonctionnels " par aquaculture. L'étude des possibilités d'élevage de poissons " sur-mesure " enrichis en sélénium a été la première étape. Le clarias a servi d'espèce modèle, son alimentation ayant été enrichie en ail cultivé sur sol riche en sélénium. Puis les filets ont fait l'objet d'une analyse du sélénium et d'une évaluation sensorielle. Une étude était en cours pour évaluer ces éléments après une période de mise au jeûne des poissons, destinée à éliminer le goût d'ail des filets. Les pertes en nutriments (sélénium, taurine, acides gras poly-insaturés oméga-3) ont été mesurées avec différents modes de préparation culinaire.
L'utilisation d'allégations nutritionnelles du type " contient des oméga-3 ", " riche en protéines ", " source de fibres " ou " contient des antioxydants naturels " apparaît possible sur la base de ces travaux. Les fibres d'origine végétale ou marine testées dans ce projet présentent des propriétés technologiques et nutritionnelles compatibles avec la réglementation européenne (règlement n°1924/2006 du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires).
Pour mémoire, trois types d'allégations nutritionnelles et de santé sont autorisés pour les denrées alimentaires commercialisées dans l'Union européenne : allégations nutritionnelles, allégations de santé et allégations relatives à la réduction d'un risque de maladie. Elles doivent être soumises à l'approbation de l'AESA (Autorité Européenne de Sécurité des Aliments) qui les évaluera en fonction des données scientifiques fournies. De plus, pour pouvoir revendiquer une allégation, les aliments devront être sains nutritionnellement selon des critères qui seront définis au niveau européen avant fin janvier 2009.
Analyse réalisée par : Bènes C. / IFIP