Notice

Impact des recommandations bénéfice-risque sur la consommation de poisson et l'exposition alimentaire au méthyl-mercure en France

Impact of a risk-benefit advisory on fish consumption and dietary exposure to methylmercury in France

Verger P.*, Houdart S., Marette S., Roosen J., Blanchemanche S.

* INRA-Met@risk, 16, Rue Claude Bernard, INA P-G-75005 Paris, France ; Fax : 01.44.08.72.76 ; E-mail : verger@inapg.inra.fr

Regulatory Toxicology and Pharmacology, 2007-08, Vol. 48 (3), p. 259-269 - Texte en Anglais

à commander à : la revue ou à l'INIST


Analyse

Cette publication présente les résultats de l’étude CORAI. L’objectif était d’observer le comportement des consommateurs lorsque ceux-ci sont informés simultanément, d’une part, du risque de contamination des poissons au méthylmercure et, d’autre part, des bénéfices liés aux acides gras polyinsaturés à longues chaînes. Les recommandations testées étaient très similaires aux messages communément délivrés par les agences nationales en charge de l’alimentation. Elles étaient destinées aux consommateurs à risque.
Trois groupes de consommateurs ont été suivis (femmes en âge d’avoir des enfants, enfants de moins de 6 ans et enfants de 6 à 15 ans). Les groupes étaient formés de 70 à 130 individus. Chaque groupe était divisé en deux : un recevait les recommandations et l’autre non (témoin).
Les fréquences de consommation par espèces ont été évaluées par période d’un mois pour les participants et pour leur famille : 1 mois avant l’information (réception des recommandations), 1 mois après et 3 mois après.
Les résultats montrent que la révélation des recommandations entraîne une diminution globale (toutefois assez modeste) de la fréquence de consommation de poissons, toutes espèces confondues.
La consommation des poissons indiqués comme les plus contaminés en mercure (requins, espadons, marlins et mérous) n’a pas diminué, excepté pour le thon, ce qui peut s’expliquer par le fait qu’ils sont peu consommés et connus en France. La diminution de la fréquence de consommation du thon (en conserve notamment) a permis de réduire un peu l’exposition au mercure des groupes informés. Avant les recommandations, 3 % des femmes en âge de procréer dépassaient la dose hebdomadaire tolérable provisoire en mercure (1,6 g/kg de poids corporel et par semaine, d’après le JECFA).
Par ailleurs, un questionnaire a été réalisé afin d’évaluer le degré de mémorisation des recommandations chez les participants. Les résultats montrent que les messages sont très mal retenus (moins de 20 % des femmes se souvenaient des espèces mentionnées). Le thon était l’espèce la mieux mémorisée.
En conclusion, dans le cadre de cette étude, l’information des consommateurs a eu peu d’influence sur la réduction de l’exposition au risque. Il semble plus facile d’obtenir avec les recommandations testées une diminution globale de la fréquence de consommation de poissons qu’une diminution ciblée sur quelques espèces. Ce qui est problématique étant donné les bénéfices nutritionnels des autres produits de la mer non concernés par le risque de méthylmercure. De ce fait, à la fin de l’article, les auteurs préconisent un certain nombre d’actions relatives à l’étiquetage des produits.
L’avis de l’AFSSA du 16 mars 2004, concernant la réévaluation des risques sanitaires du méthylmercure liés à la consommation des produits de la pêche au regard de la nouvelle dose hebdomadaire tolérable provisoire (DHTP), recommande:
« de favoriser une consommation diversifiée des différentes espèces de poisson en évitant, à titre de précaution, une consommation exclusive de poissons appartenant aux espèces de poissons prédateurs sauvages (Règlement CE n°466/2001) »,
« de veiller à ce que les enfants en bas âge et les femmes enceintes et allaitantes ne consomment pas plus respectivement de 60 g et de 150 g de poissons prédateurs sauvages par semaine, en plus de leur consommation habituelle de poissons non prédateurs ».
L’approche méthodologique de l’avis concernant l’estimation de l’exposition en utilisant des données « désagrégées » indique que la probabilité de dépasser la DHTP est la plus importante chez les enfants de moins de 6 ans (11 à 14 %) ; et que dans le cas des femmes en âge de procréer, elle est d’environ 3 % (ce qui est conforme aux résultats de l’étude).
Remarque : le problème des recommandations basées sur des listes de poissons est le regroupement sous une même appellation d’espèces très différentes, ayant des teneurs en méthylmercure non comparables. C’est le cas, par exemple, pour les requins et les thons. Sous la dénomination « thon » sont regroupés de très nombreuses espèces de tailles très variables. La teneur en méthylmercure est corrélée à la taille de l’individu. Or les « thons » peuvent être du germon (Thunnus alalunga) de moins de 10 kg, de l’albacore (Thunnus albacares) de 20 à 90 kg, ou du thon rouge (Thunnus thynnus) de quelques centaines de kilos... Les risques liés au méthylmercure sont donc très différents. Cet aspect important n’est pas pris en compte ; il permet donc de nuancer les propos.
Analyse réalisée par: Kolypczuk L. / IFREMER