Notice

CALIPSO. Etude des consommations alimentaires de produits de la mer et imprégnation aux éléments traces, polluants et oméga 3 . Rapport d'étude Afssa, Ministère de l'Agriculture et de la Pêche, INRA

Leblanc J. C. *, Sirot V., Volatier J. L., Bemrah-Aouachria N.

* Afssa, Ministère de l'Agriculture et de la Pêche, INRA * AFSSA / DERNS, 27-31 avenue du Général Leclerc, 94701 Maisons-Alfort Cedex

Ouvrage, 2006-08, p. 1-106

Adresse internet : http://www.anses.fr/cgi-bin/countdocs.cgi?Documents/PASER-Ra-Calipso.pdf


Analyse

L'étude CALIPSO a pour objectif d'établir un bilan " bénéfice/risque ", pour les personnes qui consomment beaucoup de poisson et autres produits de la mer, entre l'apport nutritionnel (acides gras) et l'exposition aux contaminants. La démarche repose sur l'évaluation des expositions, obtenue par croisement des données de consommation avec celles sur les concentrations, et sur la connaissance de l'imprégnation, obtenue par des mesures de biomarqueurs d'exposition sanguins et/ou urinaires.
La première partie rappelle l'intérêt des acides gras dans la prévention des maladies cardio-vasculaires (acides oméga 3) et les données toxicologiques de référence, comme la Dose Hebdomadaire Tolérable Provisoire (DHTP) pour chacun des contaminants. La population suivie comprend 1 011 personnes pour l'enquête de consommation, environ 250 pour chacun des 4 sites, et se distribue en 4 groupes, hommes et femmes adultes, femmes en âge de procréer et personnes âgées. Pour le volet biologique (suivis sanguins ou urinaires), 394 personnes ont été retenues (entre 84 et 115 selon le site). L'échantillonnage des espèces consommées recouvre de 88 à 100 % du total de la consommation.
La deuxième partie porte sur la consommation. Les consommations moyennes, établies par site et par groupes de population, varient entre 480 et 800 g par semaine pour les forts consommateurs à 210 g par semaine pour le consommateur moyen. Les espèces les plus consommées sont : cabillaud, saumon, lieu noir, thon. Pour les mollusques et crustacés, la consommation hebdomadaire moyenne est de l'ordre de 200-300 g (à comparer à celle de 35 g en moyenne en France). Les huîtres, les coquilles Saint-Jacques, les crevettes, et les moules sont les principales espèces consommées.
Les poissons gras sont ceux qui contiennent le plus d'acides gras poly insaturés à longue chaîne (bénéfiques). D'une manière générale, les teneurs en contaminants satisfont les exigences réglementaires. Quelques cas de contamination élevée sont signalés : celui du mercure dans les grands prédateurs, du cadmium dans quelques espèces (roussette) ainsi que dans les crustacés (crevette, crabe) et mollusques, des PCB et dioxines dans quelques prélèvements de crevettes et crustacés (étrilles, crabes). Globalement, la contamination en contaminants organiques décroît du nord au sud : Le Havre > Lorient > La Rochelle > Toulon.
Les estimations de l'exposition alimentaire sont ensuite présentées : les apports en acides gras poly-insaturés à longue chaîne (oméga 3) sont environ 4 fois supérieurs à ceux de consommateurs moyens, tout en restant en accord avec les recommandations. Les poissons gras (saumon, maquereau, sardine, anchois et hareng) sont les espèces qui contribuent principalement aux apports en acides gras bénéfiques.
Sur le plan de l'exposition aux contaminants de ces consommateurs, les apports, estimés par rapport aux DHTP sont faibles pour la quasi-totalité des éléments traces à l'exception du mercure, et à degré moindre, du cadmium et des organo-stanniques. Pour le mercure, essentiellement sous la forme méthyl mercure, la consommation de poisson contribue pour 92 % de la Valeur Toxicologique de Référence (VTR) ; les contributeurs majeurs sont le thon et le cabillaud. Pour le cadmium, l'exposition la plus forte reste en dessous de la DHTP. L'exposition aux composés organo-stanniques via la surconsommation de poisson et produits de la mer se situe entre 19 et 47 % de la DHTP établie à 0,72 µg Sn /kg p.c.
Pour ce qui est de l'imprégnation, les concentrations dans le sang sont généralement inférieures aux concentrations basales et ne leur sont supérieures que pour 6 %, 3 % ou 4,6 % des sujets pour le plomb, le mercure et le cadmium respectivement. La présence en excès d'arsenic dans les urines est signalée. Ce sont les individus du secteur du Havre qui présentent des niveaux d'imprégnation en éléments traces les plu faibles. Les substances organiques n'ont pas été mesurées dans le cadre du suivi biologique. L'exposition moyenne aux dioxines (furanes et dioxines) et aux PCB de type dioxine fortement influencée par les fortes valeurs varie entre 9,7 et 20, pg TEQ/kg p.c. par semaine, alors que la dose mensuelle acceptable est 70 pg/p.c. (TEQ ; Equivalent Toxicologique). Pour les PCB indicateurs, seulement 28 % des sujets suivis ont une exposition inférieure à la Dose Journalière Tolérable (DJT). Dans le cas des PBDE, pour lesquels il n'y a pas de niveaux de référence ou de VTR établis, l'exposition moyenne est de l'ordre de 2 ng/kg p.c. par jour.
Dans la discussion des résultats, les auteurs soulignent les difficultés de l'approche ; données limitées, problème de la spéciation des métaux. La relation entre apports alimentaires en acides gras et leur composition dans les cellules du sang impliquent divers facteurs (âge, tabagisme, dépense d'énergie,..). Cette corrélation entre exposition et imprégnation est observée pour le méthyl mercure et le plomb, mais pas pour l'arsenic ni le cadmium. Concernant la caractérisation du bénéfice-risque, les espèces riches en acides gras bénéfiques (maquereau, sardine, saumon) sont aussi d'importants contributeurs à l'exposition aux polluants organiques persistants. Les espèces contribuant le plus à l'exposition au méthyl-mercure ne participent pas aux apports en acides gras oméga 3.
La conclusion souligne que le niveau de contamination est globalement satisfaisant en regard des exigences sanitaires. Par rapport à la problématique " bénéfice ", la consommation de poisson deux fois par semaine (dont un poisson gras) permet d'atteindre les apports recommandés en acides gras oméga 3. Pour la question des risques, les valeurs de références toxicologiques sont parfois dépassées pour le méthyl mercure, le cadmium, les dioxines et les PCB. Les produits de la mer qui contribuent le plus aux apports en acides gras oméga 3 sont aussi les plus contaminés par les polluants organiques. S'ensuivent des recommandations à diversifier les espèces consommées.
Cette étude est une des premières approches de type risques/bénéfices de la consommation de poisson Les auteurs soulignent les résultats globalement satisfaisants en regard des directives sanitaires actuelles, tant pour les apports en acides gras bénéfiques que pour les contaminants. Cela est d'autant plus satisfaisant que l'étude cible une population qui consomme environ 4 fois plus de produits de la mer que les consommateurs moyens. Enfin il faut souligner le caractère relativement global des estimations de l'exposition.
Une possibilité pour améliorer l'estimation de l'exposition pourrait être la constitution de bases de données incluant les informations sur l'origine des captures, bases qui pourraient être réalisées par la compilation de données existantes et l'obtention de données nouvelles, avec un intérêt particulier pour les polluants organiques.
DHTP : Dose Hebdomadaire Tolérable Provisoire, exprimée en pico, nano ou microgramme
DJT : Dose Journalière Tolérable
TEQ : Equivalent Toxicologique
VTR : Valeur Toxicologique de Référence
Analyse réalisée par : Abarnou A. / IFREMER