Notice

L'impact à long terme de la mytiliculture en Mer Adriatique : efficacité des indicateurs biochimiques, microbiens et de la méiofaune

Sustainable impact of mussel farming in the Adriatic Sea (Mediterranean Sea): evidence from biochemical, microbial and meiofaunal indicators

Danovaro R.*, Gambi C., Luna G.M., Mirto S.

Department of Marine Sciences, Faculty of Science, Polytechnic University of Marche, Via Brecce Bianche, Monte D'Ago, Ancona 60131, Italy ; Tél : +39.71.220.4654 ; Fax : +39.71.220.4654 ; E-mail : danovaro@univpm.it

Marine Pollution Bulletin, 2004-08, Vol. 49 (4), p. 325-333 - Texte en Anglais


Analyse

La production de coquillages en aquaculture est en augmentation significative dans le monde entier. Toutefois, parallèlement, apparaît une opposition au développement de ce type d’activités, notamment parce qu’elles sont basées dans des zones à fort potentiel économique et touristique (zones estuariennes, côtières, ...) mais également pour des questions de protection des écosystèmes. En effet, on associe souvent l’aquaculture aux cages d’élevage qui peuvent induire des phénomènes d’eutrophisation importants. Or, pour la production de bivalves (moules et huîtres principalement), l’impact environnemental est différent de celui des cages à poissons puisque les seuls rejets qui modifient les caractéristiques physiques et chimiques du milieu benthique sont les bio-dépôts, fèces et pseudo fèces (dans le cas des cages, les rejets sont augmentés par les pertes de nourriture non consommée par les poissons).
L’article présente une étude d’impact réalisée sur un grand site de production mytilicole (moules de filière) en mer Adriatique, ayant pour objectif d’évaluer les conséquences d’une telle production sur l’environnement au cours de l’année et de démontrer que ce type d’activité est durable.
Le plan d’échantillonnage a été particulièrement travaillé : une étude préliminaire a déterminé l’étendue de la zone d’accumulation des bio-dépôts et ainsi positionné les stations de contrôle. La stratégie d’échantillonnage à contrôles multiples a permis de tenir compte de la variabilité naturelle du milieu, qui est souvent laissée de côté dans ce type d’étude.
L’étude s’est étalée sur une année, avec 4 périodes d’échantillonnage (printemps, été, automne et hiver, les saisons présentant des différences significatives au niveau de la production mytilicole). Pour évaluer l’impact environnemental, l’équipe a utilisé de nombreux indicateurs, incluant des variables :
- environnementales et des indicateurs biochimiques (granulométrie, détermination de la matière organique totale, des protéines, carbohydrates,… dans les sédiments) ;
- microbiologiques (dénombrement des bactéries dans le sédiment. NB : elles dégradent la matière organique en consommant du dioxygène. Ceci entraîne un appauvrissement en dioxygène des sédiments lorsque les quantités de matière organique sont importantes, et modifient par conséquent les structures communautaires benthiques) ;
- l’étude de la méiofaune (dénombrement, détermination des taxons).
Les différences saisonnières ont été significativement plus importantes que les différences observées entre le site mytilicole et les contrôles. Aucune différence n’a été observée au niveau de la pénétration de l’oxygène dans le sédiment, et des flux de matière vers le fond. Les indicateurs de la composition biochimique de la matière organique du sédiment et les paramètres microbiologiques n’ont pas non plus révélé l’initialisation d’un processus d’eutrophisation à l’exception d’une légère augmentation de la densité bactérienne dans les sédiments sous les filières, durant la période où le stock de moules est maximum. Et enfin, aucun effet n’a été constaté d’après les indicateurs de la faune benthique (abondance, communautés présentes, diversité des taxons) puisque les sites sous les filières et les contrôles ne pouvaient pas être distingués.
Ces résultats démontreraient donc que la mytiliculture est une production durable et qu’elle n’altère pas de façon significative les écosystèmes marins côtiers, aussi bien au niveau de leur fonctionnement que des réseaux trophiques.
Les auteurs soulignent toutefois que l’impact de la mytiliculture sur l’environnement dépend de plusieurs facteurs : (1) la méthode de production mytilicole, (2) la densité de moules sur les structures, (3) la profondeur d’eau, (4) les conditions hydrographiques. On peut également souligner que les conditions de réalisation de l’étude d’impact (historique du site d’étude mais aussi utilisation d’un plan d’échantillonnage à contrôles multiples ou non) peuvent avoir des conséquences sur les résultats de l’étude d’impact.
Tous ces paramètres ainsi que l’étude présentée ici pourront constituer des outils d’aide à la décision d’implantation de nouveaux sites d’activités mytilicoles ; ceux-ci présenteront des critères particuliers permettant de limiter les éventuels impacts environnementaux. D’autre part, les indicateurs utilisés pour cette étude semblent représenter des outils efficaces et fonctionnels pour réaliser des suivis écologiques dans les zones de production mytilicole. Ces précautions de choix du site et de suivi de l’environnement pourraient ainsi contribuer à assurer un développement durable de l’aquaculture.
Analyse réalisée par: Léonard M. / IFREMER