Notice

La consommation engagée : mode passagère ou nouvelle tendance de consommation

Bigot R.

Collection des rapports du CREDOC, 2003-09, n° 229, p. 4-42


Analyse

Le champ de l’enquête, qui s’est déroulée au début de l’année 2002, couvre l’ensemble des biens de consommation issus de l’industrie, dont les produits alimentaires. Dans une première partie, l’étude cherche à mesurer la sensibilité des consommateurs aux engagements de citoyenneté des entreprises, à déterminer à quelles causes ils sont le plus sensibles, à cerner le profil des consommateurs «engagés». Dans un deuxième temps, est appréciée la propension des consommateurs à boycotter certains produits industriels quand ils considèrent que les entreprises ne respectent pas certains engagements. La complémentarité des questions posées à l’intérieur de ces deux volets permet de rendre compte des écarts entre les déclarations et les comportements effectifs.
Au moins au niveau des intentions, l’enquête montre qu’il existe un fort courant d’opinion en faveur de la consommation éthique. Dans l’ordre, les principales causes auxquelles les interviewés se disent sensibles (2 à choisir parmi une liste de 10 propositions) touchent au travail des enfants, puis à la fabrication des produits en France, aux conditions de travail des salariés et aux pratiques non polluantes. Comparativement, les engagements des entreprises en matière d’aide au tiers monde, de fabrication européenne, de bien-être animal apparaissent comme des thèmes moins prioritaires. Encore faut-il rapprocher ces résultats de la situation existante en matière d’étiquetage (il est plus facile d’identifier un produit fabriqué en France qu’un produit ne recourant pas au travail des enfants) et du degré de reconnaissance par les consommateurs des labels (les logos de type NF environnement ou Eco-label Européen ne sont reconnus que par une personne sur dix). Il convient également de mesurer la proportion des consommateurs qui non seulement se déclarent sensibles à l’éthique, mais sont prêts à payer un supplément pour obtenir un engagement de citoyenneté de la part de l’entreprise.
Pour un supplément de prix limité à 5%, on obtient un pourcentage de 52% des Français, mais seulement 20% de «sûr» contre 32% de «peut-être». Le décalage entre déclaration d’intention et comportement effectif est également notable en ce qui concerne les actions de boycott si la plupart des enquêtés (91%) se disent prêt à boycotter un produit pour des raisons «éthiques», seule une personne sur quatre a déjà pratiqué une telle mesure. Une cause de boycott se dégage très nettement le licenciement de salariés par les entreprises dans 43% des cas (les craintes liés à la viande de boeuf sont également citées pour 8% des motifs). Les produits alimentaires occupent une place à part, étant les produits pour lesquels les enquêtés déclarent être le plus sensibles aux engagements citoyens des entreprises (47% des réponses ; le deuxième produit cité, le textile, ne recueillant que 17% des réponses).
Il y a vraisemblablement eu, dans un contexte de «crise» alimentaire, un rapprochement, voire une confusion, entre les attentes des consommateurs en matière de citoyenneté et leur demande de préservation de la santé humaine... qui se traduit par une proximité des réponses entre la préférence pour une production nationale et l’exigence d’engagement en matière de sécurité alimentaire.
Il ressort de l’étude que si la consommation «engagée» retient l’attention d’une grande partie de la population, il est encore trop tôt pour en déduire si elle peut devenir un véritable facteur de motivation d’achat. La consommation éthique reste en effet un phénomène encore récent en France, où de longue date le «pouvoir consumérial» a été moins fort que dans d’autres pays pour lesquels les associations de consommateurs constituent des groupes de pression très puissants. Ce constat est à rapprocher, dans le domaine des produits de la mer, du comportement du consommateur français, qui témoigne vis-à-vis des labels «éthiques» (type MSC, garantissant une pêche responsable) d’un moindre intérêt que les consommateurs anglo-saxons.
Analyse réalisée par : Girard S. / IFREMER