Notice

L'Outil de Prévision de l'Altération des produits de la mer - Développement et distribution d'un logiciel appliqué à un produit spécifique

Seafood Spoilage Predictor - development and distribution of a product specific application software

Dalgaard P.*, Buch P., Silberg S.

* Department of Seafood Research, Danish Institute for Fisheries Research (DIFRES), Technical University of Denmark, Soltofts Plads, Building 221, 2800 Kgs, Lyngby, Denmark ; Tél : +45.45.252566 ; Fax : +45.45.884774 ; E-mail : pad@dfu.min.dk

International Journal of Food Microbiology, 2002, Vol. 73, p. 343-349 - Texte en Anglais

à commander à : INIST-CNRS


Analyse

Cet article présente un logiciel dénommé “Seafood Spoilage Predictor” (SSP), que l’on peut traduire par Outil de Prévision de l’Altération des produits de la mer, développé à l’Institut Danois de Recherche sur les Pêches.
Les auteurs soulignent que parmi les nombreux modèles mathématiques élaborés dans le domaine de la microbiologie prévisionnelle, très peu ont été intégrés dans des logiciels permettant une utilisation aisée et la plus large possible. Ils passent en revue les principaux logiciels : le “Pathogen Modeling Programme” et le “Food Micromodel” pour les microorganismes pathogènes, d’autres logiciels intégrant des modèles cinétiques de croissance de microorganismes d’altération comme le “Food Micromodel” pour Brochothrix thermosphacta, Lactobacillus plantarum, et d’autres. Un autre logiciel, le “Food Spoilage Predictor” comprend un modèle de croissance de Pseudomonas psychrotrophe. Aucun logiciel relatif aux principales bactéries d’altération des produits de la mer comme Photobacterium phosphoreum et Shewanella putrefaciens n’avait été développé auparavant. Contrairement aux microorganismes pathogènes, le développement de modèles de prévision de la durée de conservation d’un produit n’est pas aisé car les réactions d’altération sont complexes, elles changent en fonction des caractéristiques du produit et des conditions d’entreposage. Ce développement repose sur la connaissance des organismes spécifiques d’altération (SSO : specific spoilage organisms) impliqués dans la détérioration des produits, leur domaine d’activité c’est à dire la gamme des caractéristiques d’un produit et des conditions d’entreposage pour lesquelles un SSO est à l’origine de l’altération. Signalons que le concept de SSO et les notions d’activité et de domaines d’altération sont développés dans l’article “Bactéries d’altération du poisson : problèmes et solutions” qui fait l’objet d’une analyse dans ce numéro de Bibliomer.
Cet article décrit donc le développement et la distribution du logiciel SSP ainsi que les approches utilisées pour la modélisation.
Concernant les microorganismes pathogènes, l’approche traditionnelle consiste à réaliser des croissances en milieux liquides standards, à modéliser les données obtenues et à comparer les prévisions avec les croissances observées dans différents aliments. Hors il a été observé que les taux de croissance des SSO des produits de la mer obtenus en milieu liquide et dans les produits peuvent différer d’un facteur 2. De plus, la durée de conservation peut être largement surestimée si le modèle est appliqué en dehors du domaine d’altération du SSO. Pour surmonter ce problème, une approche itérative a été adoptée consistant à valider sur les produits les différents éléments_: milieu de croissance, SSO, domaine d’altération avant de produire de grandes quantités de données. Ces élément influent davantage sur les modèles que le choix des équations (Gompertz ou Logistique par exemple). Le problème du choix du milieu liquide de croissance peut être contourné en étudiant la croissance sur des aliments naturellement contaminés mais cela ne dispense pas de connaître le SSO et son domaine d’altération.
Par ailleurs, depuis plusieurs dizaines d’années, des essais de stockage ont été réalisés pour développer des modèles empiriques décrivant l’effet de la température sur la vitesse relative d’altération (“RRS” : relative rate of spoilage = durée de conservation à 0°C/ durée de conservation à T°C). Ainsi, ayant déterminé par analyse sensorielle la durée de conservation à une température donnée, ces modèles permettent de prévoir la durée de conservation à différentes températures d’entreposage. Ces modèles peuvent être développés pour des produits dont les mécanismes d’altération restent inconnus, ils ne reposent sur aucune cinétique de réactions d’altération bien identifiées et leur champ d’application peut être plus large que les modèles décrits ci dessus reposant sur des cinétiques de croissance de SSO qui ne sont valides que dans le domaine du SSO considéré. Un même modèle peut être utilisé pour des produits dont les durées de conservation sont différentes, pour différentes espèces de poissons par exemple, à condition que les cinétiques de détérioration soient proches. Les auteurs insistent sur le fait que l’effet de la température sur la durée de conservation des produits de le mer peut être très variable en s’appuyant sur les valeurs d’énergie d’activation apparente relatives à différents groupes de produits. Par conséquent des modèles différents ont été proposés : pour le poisson frais des zones tempérées à froides, le modèle “de la racine carré” de Ratkowsky a été préféré au modèle linéaire et à celui d’Arrhenius ; en revanche pour les poissons frais tropicaux et certains produits légèrement préservés, le modèle exponentiel et celui d’Arrhenius sont préférables. Lorsque ces modèles sont combinés aux relations linéaires établies entre indice de qualité et durée d’entreposage, cela permet à partir d’une note attribuée par analyse sensorielle, de prévoir la durée de conservation. Cette relation linéaire entre indice de qualité et durée d’entreposage doit être valide à la température de prévision. Pour le QIM (Quality Index Method), des relations linéaires entre les notes et la durée d’entreposage ont été établies presque uniquement à 0°C, par conséquent l’utilisation du QIM pour prévoir des durées de conservation est encore limitée, et ces modèles n’ont pas été inclus dans le logiciel SSP.
Pour tenir compte de la complexité de l’altération des produits de la mer ainsi que de la multiplicité des approches pour modéliser la durée de conservation, un logiciel d’application doit comprendre les différents modèles validés d’altération. Le logiciel SSP a été développé pour prévoir les effets de la température, constante ou fluctuante, sur la croissance de certains microorganismes d’altération et sur la durée de conservation. Pour permettre à ce logiciel d’être souple et ouvert à l’ajout de nouveaux modèles, Delphi v.4.0 a été choisi pour la programmation de SSP v.1.1. Il comprend deux modèles cinétiques de croissance de SSO et deux modèles RRS. Le modèle de S. putrefaciens a été élaboré par une approche traditionnelle de modélisation prévisionnelle, il comprend seulement les effets de la température entre 0°C et 10°C pour SSP v.1.1. Le modèle de P. phosphoreum a été développé suivant l’approche itérative avec les effets de la température entre 0°C et 15°C et de la concentration en CO2 de l’atmosphère d’entreposage entre 0 et 100 %. La validation de ces modèles intégrés au SSP v.1.1 repose sur leur capacité à prévoir la durée de conservation d’un produit naturellement contaminé avec une précision de ± 25 %. Les deux modèles RRS sont : le modèle “de la racine carré” pour la modélisation des effets de la température de 3 à + 15°C sur la conservation des produits frais issus des eaux froides à tempérées, et le modèle exponentiel pour les produits tropicaux entre 0°C sous glace et 30°C. L’intégration de plusieurs modèles permet au logiciel d’être adapté à différents produits de la mer, mais chaque modèle a son propre domaine d’application en fonction des caractéristiques d’un produit donné et des conditions d’entreposage. Ce domaine est indiqué dans l’aide du logiciel qui peut aussi produire un message d’erreur si le modèle est utilisé en dehors de la fourchette de température. Les prévisions de croissance et de durée de conservation sont faites pour des températures d’entreposage constantes, pour des profils de température entrés manuellement ou enregistrés par différents intégrateurs électroniques qui présentent l’avantage de montrer à quel moment intervient un changement de la température. Pour illustrer les fonctionnalités du logiciel, les auteurs présentent un exemple de modèle cinétique (P. phosphoreum) qui permet de tenir compte de la contamination initiale. Ils soulignent que cela suppose de pouvoir déterminer cette contamination par des méthodes rapides qui existent déjà pour P. phosphoreum et S. putrefaciens, mais des recherches complémentaires sont nécessaires pour les améliorer et approfondir nos connaissances sur l’influence des facteurs biologiques et technologiques sur le niveau de contamination par les SSO.
Le logiciel peut lire les profils de température dans 5 formats différents des intégrateurs habituellement utilisés, il n’existe pas de standard international pour ce genre de données. Pour exporter les données vers d’autres logiciels, l’utilisateur peut choisir les formats ASCII, HTML ou XML.
Le logiciel est disponible gratuitement sur Internet depuis février 1999 à l’adresse : http://www.dfu.min.dk/micro/ssp/ . Entre cette date et septembre 2000, il a été téléchargé par 302 utilisateurs dans le monde répartis entre recherche (41%), production/distribution (21%), inspection (10%) et enseignement (12%). Afin d’améliorer le SSP v.1.1, un questionnaire fut envoyé aux utilisateurs en mai 2000. Il révéla que certains avaient eu des problèmes de téléchargement et d’installation, alors que d’autres demandaient l’intégration d’autres modèles de prévision. Pour résoudre les problèmes de téléchargement, une nouvelle version Internet appelée ‘SSP on line’ a été mise au point (version simplifiée de SSP v.1.1 comprenant les mêmes modèles). Cependant, seuls les profils de température au format XML sont acceptés par SSP on line v 1.0. Les données peuvent être exportées sous forme de tableaux ou de graphiques aux formats ASCII, HTML ou XML. Signalons qu’à la date de rédaction de la présente analyse, SSP on line n’est pas disponible sur le site.
Les auteurs concluent que la mise au point du SSP et sa diffusion par Internet a été un moyen efficace pour encourager l’utilisation de la microbiologie prévisionnelle. Plusieurs groupes d’utilisateurs ont manifesté un grand intérêt pour le SSP et certains ont exprimé le souhait que d’autres modèles soient intégrés au logiciel, pour les produits légèrement préservés par exemple. Pour l’avenir, il leur semble pertinent d’introduire des informations sur la date de pêche ou d’abattage c’est à dire un système de traçabilité permettant de disposer d’un outil pour améliorer l’assurance qualité dans le secteur des produits de la mer.
Analyse réalisée par : Joffraud J.J. / IFREMER